mardi 13 octobre 2009

Eva Schloss, une survivante

Salon du livre 09/10/09 14h-15h

Eva Schloss, rencontre avec un grand témoin, survivant d’Auschwitz

Devoir de Mémoire


Un couple préside l’amphi de l’antenne universitaire. Eva Schloss, demi-sœur par alliance d’Anne Franck, est venue avec son mari. Cette femme d’un autre âge, se présente avec un fort accent anglais puisqu’elle réside en Angleterre son pays d’adoption. Eva est née en Autriche en 1929 et elle a connu l’enfer d’Auschwitz, elle y a perdu son père et son frère. Après la guerre elle a voulu crier l’Horreur, que tout le monde l’écoute, mais l’heure était aux réjouissances de la paix. Elle s’est tue de nombreuses années. Il faut attendre les années 1980 pour qu’enfin sa parole se libère à son tour. Elle écrit un livre avec l’aide d’Evelyn Julia Kent, L’histoire d’Eva, traduit en français par Edith Ochs. Dès lors elle s’investit d’une mission éducative à travers le monde. D’écoles en conférences, elle participe activement au Devoir de Mémoire avec l’espoir que son témoignage aide « les plus jeunes à devenir des bonnes personnes » et que chacun d’entre nous continu de se remettre en cause. Elle souligne l’importance d’exprimer sa voix, « tous le monde a quelque chose à dire, d’ailleurs les français savent bien le faire avec toutes ces manifestations…»dit-elle en souriant.

Invasion et fuite

La grande dame nous livre l’histoire qu’elle a vécue à travers un regard d’enfant puis de jeune femme. Issue d’une famille juive elle a 10 ans en 1939. Rapidement, elle est confrontée aux changements entraînés par la guerre. Tout d’abord, elle nous évoque son incompréhension quand un matin à l’école, elle n’a plus le droit de s’asseoir à coté de ses camarades chrétiens. Son frère est battu devant le regard muet de l’instituteur dans la cour de récréation, sa peau mate et ses cheveux bruns trahissant ses origines. Eva échappe aux railleries de ses camarades grâce à sa blondeur. Dès lors son père lui dit qu’à présent il sera difficile d’être juif. Le projet nazi menace toute la communauté et la famille d’Eva doit fuir. Mais il est très difficile de passer les frontières, car les gens ne veulent pas avoir à faire avec des juifs, par peur des représailles. Toutefois, en Juin 1938 la famille rejoint Breda aux Pays-Bas proche de la frontière. Cette année là elle apprend le français dans une école belge, car elle ne pouvait pas être scolarisée dans son pays d’accueil. C’est aussi cette année là qu’elle prend la mesure de sa vie de réfugié. Assise au fond de la classe, on ne s’occupera pas de savoir si elle comprend bien la langue. Et pourtant, Eva reste une enfant avec des envies de son âge. Elle nous raconte qu’elle organise une fête d’anniversaire mais à la place de ses petits camarades de classes ce sont des lettres de refus des parents qu’elle reçoit. La déception, le rejet encore d’une enfant privée d’une page de son enfance. Toutefois, sa vie aux Pays-Bas lui apportait quelques réjouissances mais très vite l’invasion du 10 mai 1940 par les nazis met un terme à cette période de repos. Sa famille tente de fuir sur un bateau mais tous sont remplis, il est déjà trop tard.

Se cacher

Dés l’invasion nazi, de nombreuses familles hollandaises protègent des familles juives. Mais l’heure est à la séparation en deux de sa famille pour se cacher le mieux possible. Pendant 2 ans Eva vit dans un grenier avec sa mère et son père est caché avec son frère. L’angoisse est constante, les nazis fouillent toujours la nuit à la recherche d’un lit vide encore chaud…Malgré des visites ponctuelles et périlleuses à son frère et à son père c’est une période d’ennui profond pour Eva qui était une enfant dynamique et sportive qui ne savait que faire de ses dix doigts.

Captive

Le 15 mai 1944 c’est son anniversaire, elle a 15ans. La gestapo fait irruption dans leur cachette le moment tant redouté est arrivé. Une fois captive Eva et sa mère apprennent que le père et le fils ont eux aussi étaient arrêtés. Ils ont tous été trahis par une infirmière nazie qui se faisaient passer pour une résistante. Eva est torturée pour savoir qui l’a aidé. La famille est conduite au camp d’Auschwitz. Ils avaient déjà entendu parler des camps de la mort à la BBC dés lors elle se croit condamnée. Et puis après c’est l’enchainement de l’indicible, la sélection, la séparation, l’humiliante nudité, le crâne rasé et le corps tatoué. Tout a été orchestré par le régime nazi qui tente de réduire une population à un état de bétail en s’attaquant directement à l’identité de chacun par le biais du corps.

Survivre au camp

Eva raconte comment certains étaient envoyés à « la douche », le son du gaz qui s’échappe, comment d’autres enlevaient les corps tout en sachant qu’ils seraient les prochains. Intégré dans ce rouage macabre, elle travaille au service des vêtements, elle les trie. Eva survit avec sa mère à ses côtés. Mais un jour celle-ci est sélectionnée pour sa maigreur par le tristement célèbre Docteur Mengele, le « Docteur de la mort ». Ce dernier pratiquera tout le long de la guerre des expériences atroces sur des hommes et des femmes bien vivants tel que des vivisections. La jeune fille croit sa mère morte et tente de continuer seule dans la partie du camp réservé aux femmes. Elle aura la chance de discuter une dernière fois avec son père à travers les barbelés. Après avoir surmonté les douleurs physique et morale qui auraient pu la conduire à la mort, Eva retrouvera sa mère qui a survécu à la folie de Mengele pendant la libération d’Auschwitz par les russes.

Se réapproprier son corps

Après nous avoir fait le récit bref de son histoire, Eva attend les questions…le malaise plane dans la salle. Elle nous taquine en disant que les enfants qu’elle a rencontré l’autre jour étaient bien plus bavards. Enfin, le public s’ouvre à elle :
- Combien de temps faut-il pour réapprendre la liberté, et pour s’approprier son corps à nouveau?
« Il faut beaucoup de temps, la libération du corps n’est pas totale, par exemple certains amis à moi ont eu des perturbations digestives douloureuses et handicapantes jusqu’à un âge très avancé. Moi, j’ai de la chance, j’ai une bonne santé. »
-Comment peut-on tenir?
« La vie est précieuse et donc on essaye durement de rester en vie. Comme une personne malade, qui a le courage de continuer, même un traitement douloureux, parce qu’elle ne veut pas finir sa vie. La foi peut aider, mais dans le camp c’est difficile de continuer à prier un Dieu qui n’intervient pas, qui ne vous sauve pas de l’horreur quotidienne.»
-Avez-vous la haine?
« Je l’avais ! J’en avais beaucoup, pour beaucoup de monde, pour les nazis, mais aussi pour des pays comme les Etats-Unis ou l’Australie qui auraient pu accueillir de nombreux juifs dans les vastes espaces vides de leurs territoires. Mais la haine est mauvaise, elle ne sert à rien, aujourd’hui je ne l’ai plus. Après toutes ces années, les pays sont peuplés d’une nouvelle génération qui n’est pas responsable de ce qui s’est passé. Et puis je crois qu’il y a plus de bonnes personnes que de mauvaises personnes dans le monde.»
En concluant ainsi, Eva nous laisse une image lumineuse d’une femme qui a survécut à l’indicible, une grande dame qui a réussi malgré tout à construire sa vie dans la joie entouré de sa famille. Très souriante, elle semble heureuse et en paix avec elle-même. Eva nous donne une bonne leçon. Cette rencontre me semble d’un autre temps, mais pourtant j’ai le sentiment d’avoir touché un petit bout d’histoire en échangeant quelques mots avec un témoin de l’un des plus grands crimes contre l’Humanité.
Anaïs Boutrolle

3 commentaires:

  1. J'ai adoré ce livre! Magnifique, à lire sans hésitation! J'idolatre la bravure de cette femme.

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  2. La pauvre jai son livre!Il est très triste <3!

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  3. J'ai lu ce livre avec intérêt. C'est un récit bouleversant et à la fin, j'ai pleuré quand j'ai lu que son père et son frère ne sont jamais revenus.
    Le devoir de mémoire est primordial .....

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