lundi 12 octobre 2009

« L’Histoire, hiérarchie du toucher ? »






La conférence L’Histoire des sens d’Alain Corbin ne porta pas sur des sujets maintes fois évoqués tel que l’odorat ou le son. Le propos de l’auteur ici est de lancer des pistes de recherches historiques comme par exemple le toucher, développé lors de cet exposé.
Alain Corbin débute par un rapide tour d’horizon du toucher au fil des siècles.
Durant l’Antiquité et le Moyen-Age, l’ouïe et la vue sont les deux sens les plus privilégiés ; le toucher est associé à l’animalité. Cependant, une évolution s’opère au Moyen Age avec l’apparition de l’onction et du toucher des écrouelles. A la Renaissance, le rôle du toucher est atténué alors que le XVIIIe s. voit un retour de ce dernier à travers, notamment, la figure de l’aveugle compensant son handicap. Dans la première moitié du XIXe s., le toucher se dissocie de la vue et régresse au profit de celle-ci perçue désormais comme un outil performant pour l’intelligence (permettant d’un seul regard de brasser des tas d’informations). A l’inverse, le statut du toucher dans la deuxième moitié du XIXe s. est reconsidéré. Cela est, en outre, le résultat de la médecine expérimentale de Claude Bernard qui prône l’action sur l’objet observé. Alain Corbin termine son tour d’horizon par le XXe s. où le toucher est vécu comme une expérience issue de la synthèse des diffèrents récepteurs qui le forment. Ainsi, l’Histoire du toucher est essentiellement différente de celle de l’odorat ne dépendant que d’un seul organe sensoriel. Le toucher revêt également une dimension spécifique : il révèle la tangibilité des choses. Son approche historique et son étude doivent donc prendre en compte cela.
Alain Corbin continue son exposé en fournissant des exemples d’histoires à faire. Il évoque ainsi la caresse, un toucher particulier nous apprenant autant sur notre corps que sur l’être de l’autre (Sartre) ou impliquant une quête où les perspectives se perdent et où l’objectif n’est pas défini (Levinas).

Enfin, Alain Corbin termine son propos en liant le toucher à l’imaginaire social. Il a recours au symbole de la main calleuse du travailleur ne pouvant pas bien pratiquer la caresse. Un autre imaginaire social intervient ici, qui est celui de la dualité de la séduction : l’élite se touche à distance par des regards alors que le peuple « s’empoigne ».
Une Histoire sociale des catégories du toucher reste donc à faire.
A travers l’étude du toucher, les identités sociales et individuelles s’éclaireront d’une lumière nouvelle.




L’auteur du Miasme et la jonquille, m’a agréablement étonné. Malgré l’intitulé de la conférence, Corbin ne verse pas dans le redit de ses travaux antérieurs. Il nous offre des pistes de réflexions qui s’insèrent dans le domaine dont il est le plus illustre représentant : l’Histoire du sensible.

Benjamin Bruneau.

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