lundi 19 octobre 2009








L’Histoire des anormaux par Jean-jacques Courtine.





L’auteur, professeur d’anthropologie culturelle à l’Université Paris III, nous dévoile une dimension méconnue du corps.
Autour de la simple question de savoir quelles évolutions ont subies les sensibilités à propos des corps, Courtine nous brosse un tableau du Paris au XIXe siècle où des personnes humaines étaient exposées en qualité de « Monstres »(femmes à barbe, deux têtes sur un même tronc, lilliputiens, visages déformés…) dans des baraques de foire, dans l’arrière salle de cafés ou comme le célèbre « Elephant Man » exposé dans une boutique d’épicerie désaffectée. A Manhattan, The american museum, fonctionnant de 1841 à 1868, reçu plus de 41millions de spectateurs. Comment expliquer un tel succès ? La raison en est toute simple. L’exhibition de l’anormalité était un puissant vecteur de normalisation. Le « monstre » sert d’exemple, il rassure car il représente l’opposé de l’homme civilisé.
De la part des autorités, en montrant ainsi les ravages sur le corps humain, les individus étaient mis en garde face à des comportements condamnables (comme par exemple une sexualité risquée ; à une époque où la syphilis faisait de gros ravages).
Cependant, cela ne doit pas masquer le fait que les représentations de « monstres » revêtaient un caractère banal. A la sortie des « expositions », les personnes recevaient des cartes postales représentant les « montres ». Ces cartes se retrouvent dans les albums familiaux, aux cotés de celles représentant des paysages ou des monuments. Un véritable tourisme est associé à ces représentations : en Bretagne, on rencontre des femmes centenaires ou l’image de l’idiot du village se retrouvant un peu partout en France.


Une rupture fondamentale s’effectue après la première guerre mondiale. C’est ce que Courtine appelle « la médicalisation du regard ». A la fin du XIXe siècle, le corps médical s’empare du monopole de regard sur les « monstres ». De plus, un nouveau sentiment moral émerge composé de reconnaissance humaine et de souffrance ressentie pour ces « monstres ». Cela est véhiculé dans la littérature à travers les souffrances du Frankenstein de Shelley ou de celles du quasimodo d’Hugo. L’expérience des tranchées et la solidarité nationale s’exerçant lors du début du XXe siècle, ont renforcé ce sentiment de compassion à l’égard de ces « monstres » considérés non plus comme venant de l’Enfer mais comme humains.

A travers ce bref exposé, nous nous apercevons que la curiosité elle-même peut faire l’objet d’une étude historique. Il nous permet en outre de reposer la question du handicap, notion apparaissant à ce moment où les sensibilités sont transformées, perçue à travers la représentation des corps et donc susceptible d’être modifiée.

Benjamin BRUNEAU.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire