mercredi 14 octobre 2009

Erotica

Cinéma Les Lobis 10/10/09 22h30
« Bonsoir, je viens pour le film de 22h30… » dit d’un ton gêné l’homme qui me précède dans la file d’attente. Tous se toisent discrètement et évitent de prononcer le moment venu devant la caissière le nom du « film de 22h30 »…Erotica. Oui, « Les Rendez-vous de l’Histoire » osent aussi traiter le thème du cinéma érotique à travers trois courts métrages et un long métrage réalisés à différentes périodes. Ces films sont présentés par Christophe Gauthier, conservateur de la cinémathèque de Toulouse. Il a choisit un panel d’œuvres érotiques voire pornographiques qui sont représentatives de l’évolution de la sexualité et de sa représentation au XXe siècle. Les trois courts métrages étaient diffusés dans les maisons closes ou les cinémas pornographiques. Le long métrage est un film de Max Pécas aux allures de faux film policier.

Le bain des dames de la cour

Ce court métrage muet en noir et blanc date de 1904, il dure 3 minutes. De production autrichienne, il est réalisé en France. Ce genre de scène était projeté dans des baraques foraines en première partie de long métrage. Il présente des femmes au bain. L’image est cadrée sur une sorte de piscine ovoïde où se baignent une dizaine de femmes vêtues de lingerie recouvrant quasiment tout leurs corps. Les baigneuses s’éclaboussent en riant. Dans leur jeu une bretelle semble tomber par mégarde et laisse apercevoir un sein. D’autres femmes richement vêtues les observent du bord de la piscine dans un décor orné de végétations fleuries. Ce film présente une sexualité très pudique et hésitante probablement démonstrative de l’érotisme du début du XXe siècle.

Agénor fait son levage

Ce film muet en noir et blanc lui aussi, date de 1925 et dure 10 minutes. Il était diffusé dans les maisons closes, celles-ci n’étant interdites qu’après 1946. Il servait principalement de fond visuel aux ébats qui avaient lieu dans la salle. Assez drôle, Agénor fait son levage est qualifié par C. Gauthier comme étant un film clairement pornographique. Il met en scène une rencontre entre une prostituée et son client dans un décor parisien. Les dialogues sont teintés d’humour et propose une vision burlesque de la sexualité des années 1925. Par ailleurs, les images sont assez crues et le rapport sexuel n’est pas caché ni simulé. Ainsi, on peut déjà distinguer une évolution assez conséquente de la pudeur et une nouvelle approche d’une sexualité qui n’est plus seulement suggérée.

Triangle obsession

Ce court métrage en couleur est réalisé par José Bénazéraf en 1971. D’une durée de 6 minutes, il présente le strip-tease intégral d’une femme devant un client. Le show se passe dans une boîte de nuit. Le mobilier Pop’art nous plonge tout droit dans les Seventies. L’ambiance intimiste est exprimé par une lumière feutré et chaleureuse aux couleurs orangées, s’harmonisant avec la danse langoureuse de la strip-teaseuse. L’échange visuel entre les deux protagonistes est inégal. En effet, la femme semble offrir chacun de ses mouvements à un homme froid qui la toise avec mépris, caché derrière ses lunettes noires. Le film se cadre successivement sur l’un et l’autre. Afin d’illustrer le contraste entre les deux personnages le son change selon le cadrage. Ainsi, l’image de la strip-teaseuse est accompagnée d’une musique sensuelle et fluide. Tandis que celle de l’homme est rythmée par un son saturé et saccadé. Ce choix visuel et auditif permet de réaliser une synthèse rapide du rapport de domination se jouant ici. Et qui est peut-être révélateur de l’état d’esprit des années soixante-dix, oscillant entre liberté de la femme et domination traditionnelle de l’homme.

Une femme aux abois

Ce film en noir et blanc réalisé en 1967 par Max Pécas dure 75 minutes. Cette production érotique se joue sous la forme d’une intrigue policière légère qui semble être prétexte à l’exhibition des corps. La photographie soignée est d’une bonne qualité grâce à de multiples plans en plongés et en contre-plongés. Les personnages se déchirent et se désirent dans un environnement teinté par la vengeance et l’appât du gain. Les relations entre hommes et femmes s’articulent toutes autour d’intérêts financiers. Le long-métrage nous expose un catalogue des fantasmes masculins de la bourgeoisie des années soixante à laquelle il s’adresse. De la femme fatale à la lolita en passant par la soubrette, l’infirmière et la prostituée, cet inventaire se compose d’images érotiques qui imprègnent encore aujourd’hui notre société.

Les films érotiques, « miroir » de notre société?

Pour conclure, il est intéressant d’analyser l’évolution du cinéma érotique au cours du siècle. Dans la mesure où il illustre une facette des sociétés en mettant en scène les relations hommes-femmes, hommes-hommes, femmes-femmes qui entrent en interaction avec des images véhiculées dans l’imaginaire collectif. Bien que ces films restent des projections fantasmés d’une époque, chaque société s’accompagne d’un érotisme qui lui est propre. Ainsi, aujourd’hui on peut se demander dans quelles mesures l’avènement du cinéma pornographique est-il devenu lui aussi un « miroir » de notre société ?
Anaïs Boutrolle

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