mardi 13 octobre 2009

Histoire du coeur

Vendredi 9 octobre, 10h. La salle Lavoisier du Conseil Général est pleine à craquer, de nombreuses personnes sont debout à chercher une façon adéquate de prendre des notes. Alexandre Bande, professeur agrégé au lycée Condorcet, est assis à son bureau ; l'ambiance est studieuse. Je ne pensais pas que la séance « Le cœur du roi : les Capétiens et la partition des corps royaux à la fin du Moyen-Âge », sujet de sa thèse, aurait pu attirer un autre public que les férus d'histoire médiévale et les professeurs. Ainsi, le 9 octobre 1380, peut-être pas à la même heure, le cœur du roi Charles V était inhumé, à la Cathédrale de Rouen. J'apprends donc qu'était pratiquée sur les rois et reines de France, puis presque tous les princes, la triple sépulture du corps, du cœur et des entrailles.


Urne contenant le coeur de François I, à la Basilique de Saint-Denis.

J'aurais pu intituler ce compte-rendu « à ne lire pas après un petit-déjeuner », les usages de la sépulture multiple étant relativement écœurants si tôt dans la matinée. La pratique de l'inhumation séparée du cœur est initiée au XIIè siècle en Angleterre, puis dans l'Empire, époque où les croisés mouraient loin du lieu de sépulture choisi. En France, le premier roi a en bénéficier est Philippe III le Hardi, mort en 1285 au retour de la croisade de Sicile. Son fils, Philippe IV le Bel, choisit pour lui de laisser sa chair et ses entrailles au roi de Sicile, et de faire revenir ses os et son cœur en France. Pour cela, on eût recours à « l'usage teuton », c'est-à-dire faire bouillir dans une grande marmite d'eau et de vin le corps démembré, et d'en récupérer ensuite les morceaux.



Cependant, cette technique est contraire à la morale chrétienne, qui considère comme sacré le corps de l'homme créé par Dieu. En 1299 est donc interdit, par le Pape Boniface VIII, la pratique de la division des corps. Mais la papauté fit exception pour les rois de France après l'avènement du Pape Clément V, français et proche de Philippe le Bel. Une tombe de cœur est en effet le moyen pour un établissement religieux de s'attirer les prières et les donations, ou pour une province de retenir l'attention royale – la Normandie pour Charles V -. De plus, trois sépultures valent mieux qu'une ! Puis, au XIVè siècle, dans un climat intellectuel et scientifique favorable, le chirurgien Henri de Mondeville déclara que si le roi est souverain de France, le cœur est souverain du corps. Cet organe est donc depuis cette époque au cœur de la politique et de la société ; il est l'organe du pouvoir.


Alexandre Bande finit son intervention en nous « invitant à réfléchir sur cette période mal connue qu'est la dynastie capétienne ». Je retiens que la sépulture multiple est une pratique répandue et effectivement capétienne, et je découvre que Chopin et Gambetta ont eu recours à cette inhumation...!



Claire Chevrier-Gros

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