vendredi 23 octobre 2009

Le commerce des corps


A la découverte du programme des rendez vous de l'Histoire, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, caché en bas de page sous l'intitulé « l'histoire autrement », une conférence chantée accompagnée à l'orgue de Barbarie.

Évidemment, l'instigateur de cette manifestation est Jean-Marie Moine, maitre de conférence en histoire contemporaine à l'université de Tours, dont la passion du patrimoine musical français est connu d'une majorité des étudiants. Ayant chanté avec lui par le passé, mon attrait pour cette conférence n'est que décuplée.

En ce premier soir de festival, je me dirige donc à 19 heures vers le conservatoire où cet évènement atypique doit avoir lieu. A mon entrée dans la chapelle servant d'auditorium, tout est en place : l'orgue trône fièrement devant une centaine de sièges qui sont malheureusement vides en grande partie. D'autres conférences, dont la conférence inaugurale, et l'emplacement excentré du conservatoire par rapport au cœur du festival ont eu raison de l'attrait de la chose. Le public est relativement âgé, mais il se compose en grande partie de connaissances de Mr Moine et d'amoureux de la chanson n'hésitant pas à reprendre le refrains en chœur, donnant à cette « conférence » un caractère convivial et agréable.

L'artiste est présent, caché derrière sa machine, coiffé d'un canotier sans âge. Après un bref mot d'introduction sur le sujet, la place des prostituées dans la chanson française populaire de la fin du XIX° siècle jusqu'au milieu du XX° siècle, il commence à tourner la manivelle et un son provenant d'une autre époque vient frôler nos tympans. Le déroulement du concert est assez différent des autres manifestations des rendez-vous: une brève présentation de la chanson où il évoque les grands thèmes, nous fait un point sur le vocabulaire souvent imagé et argotique du milieu, avant de jouer, parsemant l'intervalle entre les chansons d'anecdotes croustillantes et historiques. La mise en scène quant à elle est subtile, il n'hésite pas à troquer son couvre chef contre un képi militaire ou un chapeau melon selon les thèmes des chansons, allant même jusqu'à décorer son orgue d'un Opinel ou d'un fanion tricolore suivant les paroles. En plus d'être un régal pour les oreilles, les yeux sont également comblés et amusés.

Le répertoire est relativement vaste et l'ordre des chansons est cohérent. Il se déplace à travers de grands noms d'auteurs du début du siècle : Béranger, Jules Jouy, Montéhus, Aristide Bruant, mais aussi, plus proche de nous, Edith Piaf, Léo Ferré et Georges Brassens, suivant des thèmes de localisation des femmes : les femmes de la rue, les femmes des maisons closes et les femmes venues d'ailleurs. La diversité du répertoire étant à la fois une analyse de la société mais également un point de vue personnel de l'auteur : là où un va voir une femme consentante vendant ses charmes pour un plaisir personnel, d'autres vont un y voir une oppression de la femme obligée de vendre son corps pour assurer sa subsistance quotidienne.

Cette conférence chantée, unique en son genre au rendez-vous de l'histoire, reste pour moi un bon moment passé à écouter des chansons, que malgré mon âge je connais, prouvant que la musique est un moyen de transmission de la culture exceptionnel. Le « Moine chanteur », comme il fut baptisé par le programme du festival, a assuré une prestation où savoir et passion furent mêlés au charme et à la poésie.

Clément.

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