lundi 19 octobre 2009

Le corps dans l'Antiquité grecque : la conquête d'un espace.


Cette table ronde autour du corps grec s’est déroulée le samedi matin de 9h30 à 11h en présence de Lydie Bodiou, Pierre Brulé, Véronique Mehl, Francis Prost et Jérôme Wilgaux à l’Amphi rouge, au campus de la CCI. Cette équipe d’enseignants chercheurs travaillant essentiellement à l’Université de Rennes 2, ont pour axe de recherche : le corps dans l’Antiquité Grecque.
Cette conférence s’est véritablement déroulée dans une ambiance détendue et sympathique, les intervenants faisant preuve de beaucoup d’humour, notamment Pierre Brulé, qui n’était pas avare de bons mots.

La table ronde a commencé avec l’intervention de Jérôme Wilgaux qui s’est intéressé à la physiognomonie, mot d’origine grecque signifiant l’étude du caractère d’une personne à partir de sa physionomie. En fait cette discipline, dont les anciens grecs étaient très friands, consiste à établir une correspondance entre le corps d’une personne et ses qualités morales, son ascendance, son avenir. Les signes qui étaient retenus pouvaient être très divers, allant de la forme du visage à la couleur des cheveux, en passant par un handicap quelconque. Cette physiognomonie pouvait partir de la zoologie, par exemple un lion dans l’Antiquité grecque était vu comme un animal courageux, donc si un humain ressemblait à un lion, il était lui-même quelqu’un de très courageux ! L’ethnologie était également prise en compte ainsi les égyptiens étaient perçus comme un peuple de lâche, donc logiquement si un homme, même grec, ressemblait à un égyptien, il était forcément un être lâche !
Les traits physiques pouvaient être délaissés au profit des gestes. Mais en général ce sont à la fois les traits physiques et les gestes qui furent utilisés pour exposer le caractère moral d’une personne.
On retrouve ces traités de physiognomonie grecque à l’époque moderne, et notamment dans les traités de civilités, Erasme en utilisa lui-même dans un de ces ouvrages en 1530.

Ce fut ensuite au tour de Pierre Brulé de nous exposer une histoire du poil dans l’Antiquité Grecque. Sujet, qui même s’il semble amusant, n’en reste pas moins sérieux. Ainsi on apprend que de nombreux médecins et biologistes grecs se sont intéressés à la physiologie du poil. Les grecs voyaient la peau comme un tissu poreux présentant alors à quelques endroits : du vide, et le poil était censé pousser dans ces vides. Deux types de poils étaient distingués : ceux de naissance et ceux qui poussaient lors de la croissance.
En Grèce les personnes dotées d’une forte pilosité étaient moqués, notamment dans les pièces de théâtre comique, et il en était de même pour ceux qui se rasaient trop.
Les cheveux sont également très important, à la fois symbole des grands héros qui portaient les cheveux, comme Thésée par exemple, ils sont également le symbole du passage à l’âge adulte pour le jeune garçon, c’est un véritable rituel religieux car on coupe les cheveux du garçon qui sont alors consacré aux dieux, comme le raconte entre autre l’auteur Théoridas.
En ce qui concerne les femmes et les jeunes filles, la pratique de l’épilation existait, elle était un moyen de débarrasser le corps de son aspect trop adulte, et ainsi de le rendre plus proche de l’enfance. En effet les grecs avaient des préférences pour les corps et la douceur de la peau d’enfant, qui étaient synonymes d’érotisme.

Lydie Bodiou et Véronique Mehl ont ensuite pris le relais chacune leur tour. La première sur les parfums et la femme en Grèce Antique, la seconde sur les odeurs également, mais celles qui sentent mauvais ! Lydie Bodiou est revenue sur l’importance du parfum pour les femmes à cette époque, il est à la fois imaginaire et représentation sociale. Il y a une stigmatisation par l’odeur : le parfum dit ce que l’on est, tout comme les traits physiques et les gestes dans le cadre de la physiognomonie. De nombreuses sources traitent du parfum et des femmes. Les déesses Héra et Aphrodite utilisaient des soins huileux aromatisé pour s’hydrater le corps et surtout pour le rendre brillant.
Outre l’aspect esthétique, le parfum était utilisé comme un produit médical, en effet l’utérus de la femme était vu comme un organe sec qui se déplaçait à travers tout le corps à la recherche d’organes humides. Le parfum était alors utilisé pour dompter cet utérus vagabond. Mais le parfum n’est pas que féminin, les hommes en utilisent également dans le but premier de séduire. En revanche, les personnes âgées et en particulier les femmes ne devaient plus recourir à cet artifice. Aristophane, grand auteur de pièce de théâtre grec comique, se moque d’ailleurs dans Ploutos, l’une de ses pièces, d’une vieille femme ayant recours à de trop nombreux artifices pour avoir l’air jeune et qui finalement n’a que l’air ridicule. L’usage du parfum devait rester esthétique et sensuel. Le parfum pouvait également être utilisé à des fins de tromperie. Dans l’iconographie, on retrouve souvent le parfum associé au mariage, avec des images de servantes tendant à la jeune mariée de grands vases de ce produit odorant.
Au même titre que la parure, les mots, les gestes, le parfum ou son absence est révélateur d’une personnalité, et de plus il donne la hiérarchie d’une personne.
Véronique Mehl a enchainé sur cette idée d’odeur, mais cette fois-ci sur les odeurs déplaisantes, notamment corporelles. Ces mauvaises odeurs vont également stigmatiser l’humain et le placer sur une échelle qui va de la bonne odeur des Dieux à la puanteur de l’animal. Cette dernière est très mal vue dans l’Antiquité grecque, et c’est toujours plus ou moins le cas dans nos sociétés, elle est signe de maladie, de blessure, de vieillesse et surtout de mort. Les Dieux sont vus comme étant différents des humains, notamment de par leur alimentation, les Dieux mangent des mets raffinés ce qui leur permet d’avoir une haleine parfumée, et de plus ils ne connaissent pas la mort, donc jamais ils n’auront une odeur de cadavre en décomposition. Ces êtres supérieurs sentent donc tout le temps bon, et c’est cette même odeur qui les trahit lorsqu’ils descendent parmi les humains, même quand ils changent de forme. Néanmoins dans les sources, un seul homme est vu comme n’ayant pas de mauvaises odeurs, même lors de sa mort : c’’est Alexandre le Grand, qui est resté durant sept jours sans soins et en plein chaleur, et pourtant il est rapporté que son cadavre ne dégageait aucune odeur nauséabonde.
Finalement assez peu de sources parlent des mauvaises odeurs (sauf en ce qui concerne les cadavres), souvent pour les décrire les grecques les comparent à des odeurs animales : comme celle du bouc, du phoque et même du cuir puisque après tout le cuir est la peau d’un animal mort. Donc pour les hommes « sentir le bouc »est une insulte (je crois qu’il en serait de même aujourd’hui !).
Les lieux privilégiées pour ces mauvaises odeurs sont les aisselles car se sont des endroits fermés, chauds et humides. En ce qui concerne les femmes, celles qui sont le symbole de la mauvaise odeur : ce sont les vieilles femmes. Et les mauvaises odeurs ne concernent pas que le sens de l’odorat, la vue et le toucher sont également pris en compte.
Certains hommes comme les tyrans par exemple sont vus comme des êtres mauvais et dont la méchanceté transparait physiquement notamment intérieurement par le biais d’une mauvaise haleine.

Enfin, c’est Francis Prost qui a terminé la conférence, malheureusement cette dernière touchant presque à sa fin, Francis Prost a du exposer plus rapidement son propos qui du coup était également un peu écourté. Il s’est intéressé à l’image du corps, et cela dès le IXème siècle a travers l’art grec. En effet dès cette époque va se mettre en place un système conventionnel pour représenter le corps, avec une très grande profusion de formes pour représenter les différents types. De plus l’art grec lorsqu’il cesse de recourir à des figures géométriques, se donne pour but de signifier, plus que de représenter.

Cette conférence a pu montrer que le corps grec, qui est finalement peu représenté dans les livres traitant de l’histoire du corps, n’en reste pas moins un objet historique permettant de mieux comprendre une société du passé. Cette histoire du corps possède en plus de nombreux points communs avec nos canons de mode actuels : aujourd’hui encore une pilosité trop importante est mal vue même chez les hommes, l’usage du parfum reste toujours un artifice important de la parure féminine et masculine, les mauvaises odeurs sont stigmatisés, et finalement on assiste encore à l’heure actuel à des « délits de faciès » qui pourrait être apparenté à de la physiognomonie.

Afin d’approfondir le sujet, il est possible de consulter les livres suivants :
· BODIOU (Lydie), FRERE (Dominique), MEHL (Véronique), GRASSE (Marie-Christine), Parfums et odeurs dans l’Antiquité, 2008.
· COLLECTIF, L’expression des corps dans l’iconographie Antique, 2006.
· DASEN (Véronique), WILGAUX (Jérôme), Langages et métaphores du corps, 2008.
· PROST (Francis), WILGAUX (Jérôme), Penser et représenter le corps dans l’Antiquité, 2006.
Lydia

1 commentaire:

  1. intéressant
    et j'ai bien ri aussi : << Francis Prost a du exposer plus rapidement son propos qui du coup était également un peu écourté. >>

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