mardi 27 octobre 2009

Ce que torturer veut dire, de l'Antiquité à nos jours

Conférence 10/10/09 à la Halle aux Grains
Intervenants : CLAIRE ANDRIEU, professeure d'histoire contemporaine à l'IEP de Paris, MARIE-FRANÇOISE BASLEZ, professeure d'histoire antique à l'université de Paris XII, DENIS CROUZET, professeur d'histoire moderne à l'université de Paris IV, CLAUDE GAUVARD, professeure d'histoire médiévale à l'université de Paris I, FRANÇOISE SIRONI, maître de conférences en psychopathologie géopolitique à l'Université de Paris VIII

Introduction :

La présence de cette conférence vient de l'étonnement suscité par la lecture de récits de résistants du Nord de la France, durant la Seconde Guerre Mondiale qui présentent entre eux beaucoup de points communs et en particulier l'introduction de phases de tortures après des interrogatoires. Pourquoi, de la fin du XVIIIè siècle à l'entre-deux-guerres, la pratique de la torture a connu une éclipse, alors que maintenant elle connait un renouveau (cf. guerre en Irak). Suite à cela, la question de la torture en elle-même s'est posée.
Elle s'insère tout d'abord dans un univers mental (exposée/intériorisée/refoulée dans les cellules des prisons...) et culturel qui varie d'une époque à une autre.
Rappelons que l'ONU a signé en 1984 une Convention contre la torture, dont voici le premier article :
Aux fins de la présente Convention, le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.
I. Ce que torturer veut dire durant l'Antiquité

Pourquoi est-elle utilisée ou légitimée ? D'abord, il ne s'agit jamais d'une pratique régulière de la justice. Elle peut être utilisée en vue d'une quête de vérité et seulement appliquée aux esclaves puisque considérés comme extérieurs à la communauté et incapable de raison. En outre, pour Platon, le but de la torture est de "fournir un beau spectacle" car elle consolide les valeurs publiques. C'est une des deux façons de mettre à mort. La mort noble s'effectue, elle, par le poison (en Grèce) ou la décapitation (à Rome). Le corps mis en spectacle est exposé, abîmé, outragé de diverses manières. L'exposition du corps ne sert pas d'exemple. Selon Platon, il y a mise en jeu de concepts anthropologiques et théologiques : l'homme condamné ne peut pas devenir immortel, soit, l'abolition de la personne et du souvenir. L'immortalité était le point de mire de tous les hommes. Il fallait vaincre la mort par la "mort-exploit" pour atteindre l'immortalité.
Dans la torture, c'est l'inverse de cela qui est recherché. La mort doit être infamant, déshumanisante... Elle ne doit jamais être écrite ni représentée afin que le mort soit oublié. La mort spectacle est finalement très importante. Le spectacle est en effet le moment du consensus politique et social.
II. ce que torturer veut dire au Moyen-Âge

La torture existe, mais elle est peu employée. Moins de 1% des condamnés sont torturés, selon les registres. Cependant, la torture devient un moyen d'obtenir des aveux. Elle s'inscrit dans le cadre de procédures extraordinaires légales. Cela est rendu possible par l'existence au XIIIè siècle d'une masse de jugements liés à la justice des inquisiteurs : légalisation par la papauté.
En 1254, une ordonnance dit que l'on peut utiliser la torture pour des personnes mal famées. Par là, la torture légale se détache de la torture anarchique. Fin XIIIè, le Parlement de Paris juge en appel des plainte de tortures abusives. On réglemente alors la torture (sans la remettre en cause) : elle ne doit pas se faire de nuit, pas de réitération de la torture, elle doit être effectuée par des personnes légales. Fin XIVè, des aveux sont écrits. Pour qu'ils soient effectifs, il ne faut pas de "torture inhumaine", les aveux doivent être entendus selon la procédure, c'est-à-dire dans un cadre légal.
Quand a-t-on recours à la torture ? Lors de crimes politiques, de voleurs récidivistes... La torture s'effectue dans une salle fermée. Le corps n'est pas mis en spectacle et réservé à un petit nombre.

III. Ce que torturer veut dire durant l'époque moderne

Parallèlement on assiste à l'uniformisation de la torture et à sa critique, dès 1522. Des règles restrictives sur la torture sont mises en œuvre, relatives à la durée, aux personnes... En 1503, la torture est limitée et rationalisée en 1582 par le texte de Josse Damhouder, Praxis Rerum Criminalium.
On peut citer différents types de tortures : par l'eau, le vinaigre, l'estrapade, etc... La torture judiciarisée ne doit pas laisser de marques, le sang ne doit pas couler. Les pièces où se déroulent les tortures font partie de la torture, leur vision doit effrayer le condamné.
La torture s'effectue contre l'autre et contre Satan dont on pense qu'il est au sein du corps du torturé. Satan retient la vérité et l'empêche de torturer. La torture est vue comme une délivrance de Satan. La torture a lieu sous le regard de Dieu. En ce sens, elle est vue comme le moment de la purification du corps. Peu à peu,on voit que la foule s'approprie la torture et se substitue à la justice.

III. Ce que torturer veut dire à l'époque contemporaine

Si la torture est souvent pour faire parler, elle existe aussi pour faire taire. Rien ne justifie la torture. Pourtant, certains des pays qui ont ratifié la Convention de Genève pratiquent la torture. La torture pour faire taire crée une peur collective. Dans son usage contemporain, et dans l'exemple du Cambodge, la torture participe à l'édification de nouvelles sociétés ou de nouveaux États.
Le Cambodge a procédé à l'esclavage, aux massacres, aux sacrifices humains et à totalisé deux millions de morts sur sept millions d'habitants en deux ans et demi (de 1975 à 1979). Il s'agit de "déculturer" tout un peuple pour fonder un nouveau peuple universel.
Tout se déroulait dans les centres de sécurité dont le plus connu est le centre S21 dirigé par Duch (actuellement en procès). Il y a eu entre 12 et 16 000 victimes (seules 4 personnes y ont survécu). Son fonctionnement suivait un cercle infernal : arrestation, torture puis mise à mort. La torture devait aboutir à accoucher des confessions.
Même si les personnes n’avaient rien faits de mal, elles étaient accusées. Il leur fallait construire des aveux à partir de bribes d'éléments vrais de leur histoire. Ces aveux étaient mis en scène et déclamés publiquement. de plus, chaque individu devait dénoncer douze personnes. Cela constituait de véritables boucles de rétroactions. Selon Duch, la vérité se trouvait dans seulement 10% des récits et celui-ci pensait qu'il fallait éliminer la moitié de la population. La torture clôturait la société et lui permettait de retrouver la pureté originelle.

En guise de conclusion, je rappellerais que la torture se poursuit actuellement. Ci-dessous, un vidéo-clip de la campagne de sensibilisation d'Amnesty International.



Marion Salaün-Chollet

vendredi 23 octobre 2009

Le commerce des corps


A la découverte du programme des rendez vous de l'Histoire, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, caché en bas de page sous l'intitulé « l'histoire autrement », une conférence chantée accompagnée à l'orgue de Barbarie.

Évidemment, l'instigateur de cette manifestation est Jean-Marie Moine, maitre de conférence en histoire contemporaine à l'université de Tours, dont la passion du patrimoine musical français est connu d'une majorité des étudiants. Ayant chanté avec lui par le passé, mon attrait pour cette conférence n'est que décuplée.

En ce premier soir de festival, je me dirige donc à 19 heures vers le conservatoire où cet évènement atypique doit avoir lieu. A mon entrée dans la chapelle servant d'auditorium, tout est en place : l'orgue trône fièrement devant une centaine de sièges qui sont malheureusement vides en grande partie. D'autres conférences, dont la conférence inaugurale, et l'emplacement excentré du conservatoire par rapport au cœur du festival ont eu raison de l'attrait de la chose. Le public est relativement âgé, mais il se compose en grande partie de connaissances de Mr Moine et d'amoureux de la chanson n'hésitant pas à reprendre le refrains en chœur, donnant à cette « conférence » un caractère convivial et agréable.

L'artiste est présent, caché derrière sa machine, coiffé d'un canotier sans âge. Après un bref mot d'introduction sur le sujet, la place des prostituées dans la chanson française populaire de la fin du XIX° siècle jusqu'au milieu du XX° siècle, il commence à tourner la manivelle et un son provenant d'une autre époque vient frôler nos tympans. Le déroulement du concert est assez différent des autres manifestations des rendez-vous: une brève présentation de la chanson où il évoque les grands thèmes, nous fait un point sur le vocabulaire souvent imagé et argotique du milieu, avant de jouer, parsemant l'intervalle entre les chansons d'anecdotes croustillantes et historiques. La mise en scène quant à elle est subtile, il n'hésite pas à troquer son couvre chef contre un képi militaire ou un chapeau melon selon les thèmes des chansons, allant même jusqu'à décorer son orgue d'un Opinel ou d'un fanion tricolore suivant les paroles. En plus d'être un régal pour les oreilles, les yeux sont également comblés et amusés.

Le répertoire est relativement vaste et l'ordre des chansons est cohérent. Il se déplace à travers de grands noms d'auteurs du début du siècle : Béranger, Jules Jouy, Montéhus, Aristide Bruant, mais aussi, plus proche de nous, Edith Piaf, Léo Ferré et Georges Brassens, suivant des thèmes de localisation des femmes : les femmes de la rue, les femmes des maisons closes et les femmes venues d'ailleurs. La diversité du répertoire étant à la fois une analyse de la société mais également un point de vue personnel de l'auteur : là où un va voir une femme consentante vendant ses charmes pour un plaisir personnel, d'autres vont un y voir une oppression de la femme obligée de vendre son corps pour assurer sa subsistance quotidienne.

Cette conférence chantée, unique en son genre au rendez-vous de l'histoire, reste pour moi un bon moment passé à écouter des chansons, que malgré mon âge je connais, prouvant que la musique est un moyen de transmission de la culture exceptionnel. Le « Moine chanteur », comme il fut baptisé par le programme du festival, a assuré une prestation où savoir et passion furent mêlés au charme et à la poésie.

Clément.

jeudi 22 octobre 2009


Histoire, nous voilà !


Des fascistes français sur l'île d'Yeu, déterrant le corps d'un Maréchal dont la gloire et le renom historique ne sont plus à refaire. Ainsi débute "Nous voilà", prix du roman historique "Aux rendez-vous de l'histoire 2009", dont Jean-Marie Laclavetine est l'auteur.

En 1973, la France se remet à peine des vagues provoquées par le mouvement "soixante-huitard", et l'auteur décortique pour nous cette période historique si peu connue par la jeunesse actuelle.
Partagé entre révolution et conservation, notre pays semble avoir connu des jours pour le moins hésitants. Les manifestations s'enchaînent : pour une légalisation de l'avortement, contre l'extension du camp militaire du Larzac... Les débats politiques y sont nombreux er l'auteur, tout en décrivant une jeunesse envieuse d'un "grand soir", révèle cette omniprésence d'un courant idéologique traditionnel, volontaire d'un retour à l'ordre désiré par le Maréchal Pétain dans ses écrits.

" Il ne faut penser qu'à l'ordre, et l'ordre c'est la conscience de tous"

Les similitudes entre les deux camps paraissent, sous la plume de l'auteur, visibles à l'oeil du lecteur. En effet, ces deux courants français, d'apparence antagonistes, conservent tous les deux une même volonté de changement pour la communauté internationale, changement qui va arriver de lui-même mais à l'encontre des voeux souhaités.
La société internationale semble bel et bien sombrer dans un chaos politique et économique de plus en plus profond.

La romance nous fait suivre une jeunesse qui grandit, qui passe de joie en désespoir, tout en réalisant au fil du temps qui passe, l'engrenage dans lequel la volonté de révolution de leurs aînés les a poussés.

"Nous avons cru changer le monde, nous avons du moins fait semblant d'y croire, il fallait voir alors notre allure admirable, il fallait entendre notre génération brailler et raisonner et théoriser et pontifier, notre génération qui maintenant se presse toute honte bue aux mangeoires ministérielles"

L'auteur ne cherche en rien à épargner le lecteur. Il enchaîne les évènements marquants des trente dernières années et nous laisse, une fois le point final arrivé, plus désemparé et déboussolé que jamais.
La seconde guerre mondiale a certes constitué un tournant décisif dans les relations internationales actuelles et la France et les français semblent bel et bien avoir retrouvé le sommeil depuis le régime de Vichy et ses infâmies. Mais sommes-nous vraiment en paix pour autant ? Les dernières pages du livre, tournées sur le début des années 2000 semblent nous inviter à penser le contraire. Et ces mots si poignants, faisant le lien entre l'histoire "abracadabrantesque" du cercueil disparu et l'Histore, déclamés par un ancien militant :
"Ils ont créé un ministère de l'Identité Nationale ! Et le ministre va répétant mot pour mot, sans le savoir ou le sachant, les mots de Xavier Vallat, serviteur du Maréchal pour les questions juives : "j'applique la loi française, avec humanité mais avec fermeté"."

Qui sommes nous pour oser prétendre tirer les leçons de nos erreurs ? Sommes-nous vraiment si loins de ce régime de Vichy dont le Maréchal représente la figure par excellence ?
Les français avaient cru en un homme, un héros de la Grande Guerre, et cet homme avait abusé des pouvoirs obtenus pour violer la conscience nationale en envoyant des juifs à la mort. Les hommes avaient fermé les yeux devant les wagons à bestiaux où des hommes et des femmes mourraient d'humiliation et de honte. Aujourd'hui, l'homme a changé mais ses manières ont perduré. Des hommes expulsés d'une jungle située à 200 kilomètres de Paris, début septembre, et ce au seul motif de leur différence...

En 1968, la jeunesse a désespérément tenté de faire s'ouvrir les yeux de cette France qui sombrait jour après jour dans un profond sommeil. Hélas l'échec d'un "grand soir" qui se fait attendre devait venir toquer à la porte. Mais allons-nous laisser notre pays se rendormir ? A nouveau fermer les yeux sur cette honte qui nous pétrifie ?

Aujourd'hui est venu le temps de se lever, de changer l'Histoire et de crier d'une même voix : "Nous voilà !"


Gaëlle Herchin

mercredi 21 octobre 2009


Le procès des médecins de Nuremberg ou la prise de conscience de l'horreur des expérimentations sur le corps humain.


Blouses blanches, étoiles jaunes. Que cela peut-il bien vouloir dire? En vérité c'est le titre d'un ouvrage paru en 2001 et écrit par le docteur Bruno HALIOUA. Après avoir été diplômé de médecine, il décide de passer un DEA d'histoire contemporaine. Son travail s'axe alors sur l'antisémitisme dans le monde médical. Un sujet qui ne manquera pas de créer quelques remous.

Il est 9h30 en ce premier jour du festival et la salle de conférence se remplit peu à peu pour venir écouter ce médecin qui nous présente le fruit de ses recherches.

A l'évocation des expériences qui ont été pratiquées sur le corps humain pendant la seconde guerre mondiale un nom revient souvent, celui du docteur Joseph MENGELE.
Quelques années avant la seconde guerre mondiale, plus exactement le 28 Février 1931,le conseil de santé du République promulgue certaines mesures: les Reichsrichtlinien. Les médecins qui entrent en fonction signent un formulaire où il s'engagent à respecter certaines directives: le respect de la vie, l'évaluation du préjudice humain et l'accord du patient. Pourtant, le 14 juillet 1933, la loi de stérilisation forcée est promulguée. Un peu moins d'un mois avant le début de la seconde guerre mondiale, la circulaire du 18 aout 1939 annonce l'euthanasie des enfants.
La situation de l'Allemagne en 1944 est telle qu'elle manque cruellement de pénicilline et connait des problèmes quant à l'acheminement des médicaments. La création des camps tel celui d'Auschwitz va fournir aux médecins allemands suffisamment d'hommes,de femmes et d'enfants pour mener à bien leur expériences.


Mai 1945: c'est la capitulation allemande et la découverte des atrocités commises. Le 20 Novembre les procès de Nuremberg s'ouvrent. Dans la catégorie professionnelle médicale les accusés sont au nombre de 23. Toutes les données concernant les expériences menées sur des êtres humains sont récupérées par les Américains lors de l'opération « Paperclip »(trombone) . Le neurologue juif Léo ALEXANDER, devient membre des services de contre espionnage après avoir migré aux USA pour fuir la guerre. Il récupère bon nombre de documents compromettants pour les Allemands.
Pour défendre les accusés, les avocats allemands n'hésitent pas à avancer des arguments tels que le l'analogie avec les chercheurs américains ou le seul intérêt scientifique.
En 1947, le Code de Nuremberg est promulgué établissant ainsi une déontologie sur l'expérimentation humaine.

Pour ma part, j'ai trouvé cette conférence bien organisée mais je regrette que la dimension des expérimentations n'est pas été plus approfondie dans ce contexte de seconde guerre mondiale. Je pense que le docteur B. Halioua, de part sa profession, aurait justement pu insister sur cet aspect.


Une question ressort tout de même de ce sujet. Quelle utilisation peut on faire aujourd'hui de ces données? En effet, les « actes médicaux » effectués durant cette période dépassent les limites de l'éthique. Pourtant certaines de ces informations sont utilisées dans des manuels scolaires comme ceux que les étudiants en médecine utilisent pour apprendre l'anatomie. Alors peut-on, aujourd'hui, avoir recours à des données non éthiques pour enseigner la médecine?
Nissrine. L


Voici un lien qui explique plus en détail les Reichsrichtlinien.

Histoire du corps : recherche et enseignement
Intervenants : Pascal Brioist, Christian Renoux, Catherine Lanoë, Ulrike Krampl, Anna Heller, François-Olivier Touati


De toute évidence l’intérêt de cette table ronde était de montrer que le corps est plus que jamais un objet d’étude en histoire dans la mesure où il est au cœur de nos préoccupations actuelles qui tournent autour de questions comme la nudité, le suicide, les politiques de santé publiques… J’étais donc curieuse de savoir ce qui avait conduit ces enseignants dont certains ne m’étaient pas inconnus à s’intéresser au corps et à articuler leur recherche et leurs programmes autour de ce sujet.
Chaque intervenant était invité à présenter, à tour de rôle, l’un de ses travaux ayant pour sujet le corps et à nous faire partager ses motivations. Un tour de parole s’est donc instauré et c’est ainsi qu’il est revenu à Pascal Brioist maître de conférences en histoire moderne à l’Université François Rabelais de Tours de nous présenter en premier son ouvrage, Croiser le fer : Violence et Culture de l’épée dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècles), une histoire de l’escrime, une étude du geste, du geste mortel, dans lequel il démontre que le geste évolue à partir du XVIe siècle. C’est d’ailleurs dans ce cadre que Pascal Brioist a mené plus récemment un travail sur la mathématisation de la guerre au XVIe siècle.
Ensuite Catherine Lanoë, maître de conférences en histoire moderne à l’Université d’Orléans fut la seconde à nous parler de son travail de thèse cette fois, une Histoire des cosmétiques sous l’Ancien Régime. Ce travail l’a amenée à s’intéresser au corps dans la mesure où celui-ci devient le support d’une pratique. Catherine Lanoë s’est attachée à restituer, à partir de sources manuscrites telles que des actes de pratiques, la matérialité des produits et les cadres matériels de leur fabrication qu’ils soient artisanaux ou domestiques en portant son attention sur les gantiers parfumeurs.
Le tour de parole se poursuivant Christian Renoux, maître de conférences en histoire moderne à l’Université d’Orléans nous a expliqué qu’il travaillait sur les expériences mystiques et plus précisément les possessions qu’elles soient divines ou démoniaques. Il apparaît là aussi que le corps devient un objet d’étude dans la mesure où les personnes possédées le sont à travers leur corps qui devient un théâtre divin, le lieu de la possession démoniaque. Pour cette étude Christian Renoux a travaillé à partir de sources telles que les récits mystiques et les procès de canonisations. Au-delà cette recherche l’a conduit à étudier le rôle des reliques et le rapport au corps dans la vie monastique en lien avec les différentes pratiques acétiques.
Ulrike Krampl, maître de conférences en histoire moderne à l’Université de Tours, a publié plusieurs études sur le corps, notamment « Le corps à l’époque moderne » dans Genre et Histoire. La revue de l’Association Mnémosyne, printemps 2008, et propose aux étudiants de licences un enseignement autours de l’Histoire du corps. On y aborde tout ce qui touche au corps, les pratiques médicales, la torture, la sexualité...
Venons-en à une autre intervenante, Anna Heller, maître de conférences en histoire ancienne à l’Université de Tours. Anna Heller en tant que spécialiste des cités grecques à l’époque romaine s’intéresse principalement aux questions de transfert culturel et à la romanisation, elle ne consacre donc pas directement son étude à un thème ayant pour sujet, de près ou de loin le corps, toutefois elle est amenée à utiliser des sources traitant du corps notamment Homère, on y parle du corps vivant et du corps mort, on apprend que pour les grecs le terme « soma » c'est-à-dire corps ne désigne que le cadavre par exemple ce travail conduit alors à une approche plus anthropologique.
Enfin le dernier intervenant, François-Olivier Touati, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Tours, a souligné que le corps était pour lui un objet d’étude inévitable dans la mesure où sa recherche portait sur les léproseries : Maladie et Société au Moyen Âge. La lèpre, les lépreux et les léproseries dans la province ecclésiastique de Sens jusqu’au milieu du XIVesiècle. Le corps devient incontournable, il est porteur de la maladie, il est marquée par elle. François-Olivier Touati a ainsi traité des problèmes liés à l’exclusion des malades mais aussi à la situation des établissements à leurs origines, le tout à partir de sources essentiellement constituées de cartulaires.
A la lumière de ces expériences, on se rend compte que le corps est un sujet très actuel et tout à fait en lien avec l’Histoire, mais ce phénomène est-il nouveau ? Il apparaît que non, l’Histoire du corps intéresse les historiens depuis longtemps, au XVIIe siècle Jacques Lacan et Freud se sont interrogés sur la question de la possession. Pierre Cabanes, spécialiste de l’Antiquité a étudié les pathologies anciennes, simplement avec les Annales et notamment Marc Bloch on assiste à un changement d’approche qui met l’accent sur l’intérêt du corps proprement dit. Les traités de physiognomonie datant de l’Antiquité sont des sources remarquables pour les historiens et démontrent que le corps a de tous temps suscité l’intérêt des savants.

Qu’en-est-t’il de l’Histoire du corps et de l’enseignement ?

Au terme de cette table ronde une question s’est posée, celle de l’enseignement en histoire et de son lien avec le corps, ce thème peut-il et doit-il être intégré dans les programmes d’enseignement notamment dans le supérieur ? On remarque que de plus en plus d’enseignements proposent, dans leur contenu, l’étude du corps que ce soit à travers la médecine ou l’alimentation comme c’est d’ailleurs le cas à l’Université de Tours où certains des intervenants articulent leurs cours autours de l’histoire de la médecine, de l’histoire du corps ou des pratiques alimentaires. Enfin on note très clairement un engouement des étudiants pour ces sujets qui permettent de sortir de l’Histoire institutionnelle et politique qui a pourtant longtemps prédominé dans l’enseignement supérieur.
Pour conclure j’ai été étonnée de ne voir aucun spécialiste en histoire contemporaine intervenir à cette table ronde, on peut s’interroger sur cette absence alors qu’au contraire quatre d’entre eux étaient spécialistes de l’histoire moderne.

Pauline R.
«Dérive des civilisations, entretien avec Amin Maalouf.»



Le Salon du livre des rendez-vous de l'Histoire ne s'y est pas trompé, Amin Maalouf son président cette année, lui assurerait un beau succès. Romancier et essayiste franco-libanais, Amin Maalouf est devenu ces dernières années un auteur incontournable de la scène littéraire française. Ses œuvres sont imprégnées par son histoire, mêlant interrogations identitaires et questions de civilisations, et plus largement, se veulent une réflexion sur notre condition, nos identités et nos sentiments d'appartenance au monde. Les plus diffusées sont Léon l'africain, Le rocher de Tanios (prix Goncourt) et les Identités meurtrières.


Et quelle tête d'affiche! Un nom si connu attire les foules à Blois. Amateur d'Histoire ou de littérature, le public est venu envahir la Halle aux Grains. Plus une seule place pour espérer ne serait-ce qu'apercevoir le président du Salon du Livre. Interrogé par le journaliste Philippe Bertand, A. Maalouf nous livre sa vision du monde à travers son nouvel essai, Le dérèglement du monde. Il profite de l'évènement pour promouvoir son actualité, et il a bien raison, c'est aussi cela les rendez-vous de l'Histoire, une vraie promotion des nouveautés culturelles et littéraires.
Dérèglement du monde.
Qu'on ne s'y trompe pas, A. Maalouf précise, le terme de «dérèglement» employé dans le titre de l'essai, n'induit pas l'idée qu'il exista un monde normé et réglé. Pour lui, le monde n'a pas été conçu pour fonctionner de manière irréprochable. Et ce n'est d'ailleurs pas l'objectif de son essai, l'écrivain n'idéalise pas un monde parfaitement régulé. Il se veut l'artisan de la compréhension du dérèglement du monde. Ainsi, si pour lui notre monde n'est pas convenable, celui d'autrefois n'en est pas plus parfait. L'essai n'est pas nostalgique d'un paradis perdu. Toutefois, cette conception semble considérer que le monde «a été conçu», il aurait été préférable de préciser, «façonné par l'homme». Ainsi, si l'homme est l'instigateur de la conception du monde, il est directement responsable de son déraillement. Tout est question de nature humaine...

Dérèglement du monde.
Il s'explique bien sur par les désordres économiques et financiers extrêmement prégnants dans l'actualité. La notion de régulation mondiale est omniprésente dans les discours médiatiques et politiques.
A. Maalouf semble considérer que le plus grand dérèglement du monde est intellectuel. Nous sommes passés ces dernières décennies d'un monde aux clivages idéologiques où le débat occupait une place fondamentale, à un monde où les clivages sont essentiellement identitaires (majoritairement religieux) et où le débat et les dialogues ont disparu. L'effondrement du bloc soviétique a permis au système capitaliste de s'imposer, sans concurrence. Il n'y a désormais plus qu'un seul modèle de société imposant de fait une stérilité intellectuelle au monde.
L'écrivain ne semble cependant,pas prendre en compte, même s'il le fait lui aussi à sa manière, le fait que ce modèle de société est aujourd'hui profondément contesté. Les voix proposant un autre monde sont désormais nombreuses.

Dérèglement du monde.
Ce dérèglement tient fondamentalement de la non-résolution et de l'affrontement de conflits identitaires. Pour A. Maalouf, une revendication identitaire est légitime du moment qu'elle n'empiète pas sur les identités et libertés d'autrui. L'affirmation identitaire doit s'inscrire dans une logique de coexistence avec les autres appartenances identitaires.
Transposant cette notion aux relations internationales, l'auteur constate qu'il y a souvent amalgame entre volonté de civiliser et de dominer. Pourquoi vouloir civiliser le reste du monde si celui-ci n'est pas civilisable? La relation de l'occident au reste du monde s'exprime fréquemment à travers la volonté d'exporter le modèle démocratique «à l'occidental». Cependant cette exportation est souvent imposée par la force. Les États-Unis sont ainsi intervenus en Irak au prétexte de vouloir y amener la démocratie, on constate aujourd'hui la sincérité de l'argument...
Les sociétés du monde arabe, connaissent pour certaines un fort niveau de développement, ne se voient pas proposer des tentatives démocratiques de qualité. Les attentes des populations sont pourtant fortes(Iran).
Il apparaît qu'un fonctionnement démocratique peut-être facteur de fractionnement communautaire. L'auteur dément, prenant pour référence l'Inde, où les communautés, bien que très nombreuses, cohabitent démocratiquement, puisque toutes préservées.
Le monde est déréglé car incapable de faire face aux aspirations identitaires de certaines communautés.

Dérèglement du monde.
Le monde est aujourd'hui un espace structuré par des flux, espace de transit, monde en transition. Ces flux ne sont pas exclusivement marchands ou financiers, ils sont aussi migratoires et donc humain. La place des immigrés représente un réel enjeu de société. Il apparaît complexe pour un immigré d'arriver à s'intégrer pleinement dans une société d'accueil tout en préservant des liens indéfectibles avec sa société d'origine. La pleine intégration à une nouvelle société entrave généralement la relation de l'individu à ses origines. La personne immigrée devient souvent doublement étrangère, presque apatride. Mais pour A. Maalouf, ce sont ces appartenances identitaires et communautaires multiples qui font la richesse d'un individu, à conditions qu'elles assumées et reconnues...

Vision intéressante que celle que nous a présenté Amin Maalouf, celle d'un monde déréglé par l'épuisement et l'affrontement des civilisations. Le monde est selon lui proche de son «seuil d'incompétence morale». Il considère que le monde fonctionnerait mieux (et pas bien...) si toutes les identités étaient positivement et librement vécues.

Discours, il me semble, assez réducteur. Pour A. Maalouf, les identités sont avant tout vécues individuellement. Cela induit de fait des seuils de tolérance et de cohabitation plus réduits. Les sentiments d'appartenance semblent enfermées dans des considérations trop identitaires et théoriques. Il me semble que l'Homme a toujours orienté le monde de façon à ce qu'il réponde à ses besoins et à ses propres considérations. Ainsi, pour moi le monde n'est pas «déréglé», il est plus profondément mal régulé . Nous sommes responsables de cette mauvaise gestion du monde, ne nous déculpabilisons pas, la dérive des civilisations est du ressort de chaque être humain. Parce qu'il n'y a pas de «dérèglement», mais une «mauvaise régulation»...

Lucie. Rober

L'Histoire vue par la rue



1ère personne interviewée : M. Beck, professeur à l'Université de Tours, spécialiste d'Histoire comtemporaine.
2ème personne interviewée : M. Moine, professeur à l'Université de Tours, spécialiste d'Histoire contemporaine.
3èmes personnes interviewées : Deux étudiants en classe préparatoire khâgne à Orléans.
4ème personne interviewée : Une lycéenne en Terminale S.
5ème personne interviewée : Un mécanicien blésois.
6ème personne interviewée : Une enseignante à la retraite.

Nous les remercions tous pour leur participation !

Benjamin Bruneau, Charlotte F., Claire Chevrier-Gros, Clément Barrier, Lucie Rober, Pauline R., Emilie T.

Corps martyrisé, corps mythifié : les mythes et cultes du sacrifice dans l'armée française

Rencontre autour de la parution du livre en partenariat avec l'ECPAD. Salle Lavoisier le 10/10/09
Intervenants : CHRISTIAN BENOÎT, ancien conservateur du département Symbolique des archives de la Défense, GILLES BOËTSCH, anthropologue, directeur de recherches au CNRS, ANTOINE CHAMPEAUX, lieutenant-colonel, conservateur du musée des troupes de marine, ERIC DEROO, chercheur associé au CNRS, MARCELA FERARU, journaliste, REMY PORTE, colonel, CESAT, FRANCOIS REBICHON, professeur à l'université de Lille.

Quatrième de couverture :

Quarante auteurs - militaires, médecins, prêtres, historiens, journalistes, réalisateurs - français et étrangers.
Les archives pour la plupart inédites du service photographique des armées. Une iconographie saisissante illustrant le sacrifice du soldat, des allégories symboliques au réalisme du photoreportage. La première étude de fond sur la notion de " martyre patriotique ", du champ de bataille au musée. Tombe du Soldat inconnu, sacralisation du poilu de 14-18, combats héroïques et désespérés face à l'armée allemande en 1940...
Corps mythifiés des mausolées militaires, combattants " morts pour la France " à Diên Biên Phu en 1954 ou dans les montagnes afghanes en 2008... Ce culte du sacrifice est-il une spécificité française, ou est-il propre à toutes les armées du monde? Comment des hommes acceptent-ils de donner leur vie pour exécuter les ordres reçus? Quelles significations accorder aux symboles qui entourent la mort du soldat? A l'heure des " conflits émergents ", du " martyre terroriste ", mais aussi du concept de " guerre zéro mort ", cette somme incontournable porte un nouveau regard sur la réalité, les mythes et les représentations du sacrifice militaire.

Les grandes lignes :

  • Tout d'abord, on peut se poser des questions sur la genèse du sacrifice. Est-ce une spécialité française ? Les quarante contributeurs se sont axés sur le corps du soldat ; du champs de bataille à sa représentation "post-moderne". On peut aussi se demander de quelle manière le ministère de la défense (et en particulier l'ECPAD) a pris en compte les images de ce sacrifice.
  • La recherche est donc pluridisciplinaire et rassemble de anthropologues, des médecins, des militaires, des cinéastes, des historiens de l'art... On remarque rapidement qu'il y a un rapport avec le sacré, le divin. En Égypte, on offrait souvent de la nourriture ou des animaux... On sacrifie donc le corps de l'autre. Ce sacrifice a lieu pour s'accorder avec les dieux.
  • Une autre question est la portée et le sens du sacrifice humain : se sacrifie-t-on pour la patrie ou pour les dieux ? Cette idée de sacrifice pour la patrie est relativement moderne. Elle constitue un agent symbolique et social. Cette idée va de pair avec une autre : on doit faire la guerre mais ne plus se faire tuer (c'est quand survient la mort que naît l'idée de sacrifice).
  • La question du jeu des acteurs est aussi importante. comment prend-on en charge le corps blessé, que ce soit au niveau physique, moral ou psychique. Des chocs traumatiques post-conflit peuvent aussi tout à fait survenir. Cette question conduit à celle de la mort (repoussée ou déniée dans bien des cas, de façon voulue ou non d'ailleurs). Autour des souffrances, la cohésion du groupe est essentielle.
  • D'autre par, la notion de sacrifice est enseignée au soldats depuis longtemps. Les hommes se battent avec le souvenir, l'image, d'un comportement enseigné. De nos jours on s'attache aussi à donner les honneurs aux hommes morts au combat, sur le terrain et on peut s'occuper de chaque soldat. Il y a en permanence la remémoration des morts et une certaine éducation au sacrifice.
Au cours de l'Histoire, la notion de sacrifice a donc évolué. Le rapport à la mort n'est plus le même, d'autant que la médecine s'est largement améliorée. La guerre pose donc un problème : alors que l'on a tout les moyens pour prolonger la vie, la guerre met le corps du soldat directement en face de la mort. Le but aujourd'hui est des faire un minimum de perte, d'autant que chaque mort est maintenant "visible" et a tendance à s'ériger en martyr, sacrifié (voir les réactions des familles face à la mort de soldats français en Afghanistan alors que le métier militaire est bien le plus exposé à la mort). Aujourd'hui on refuse la mort, mais on continue de faire la guerre.

Marion Salaün-Chollet


Le corps des femmes à l'épreuve du crime : images des femmes criminelles de l'Antiquité à nos jours

Conférence 10/10/09 dans l'Amphi 1 de l'Antenne Universitaire
Intervenant(e)s : FREDERIC CHAUVAUD, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Poitiers, ANNIE DUPRAT, professeure d’histoire moderne à l’IUFM de Versailles, CLAUDE GAUVARD, professeure d’histoire médiévale à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne, GUILLAUME MAZEAU, maître de conférences en histoire de la Révolution à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne, PAULINE SCHMITT-PANTEL, professeure d’histoire grecque à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, MYRIAM TSIKOUNAS, professeure d’histoire et audiovisuel à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, responsable de l’équipe Images, sociétés, représentations.

Quatrième de couverture :

Qu'y a-t-il de commun entre Ève, la première femme criminelle qui aurait été l'initiatrice du péché, Brunehaut condamnée, aux premiers temps du Moyen Âge, pour sa cruauté, à être traînée par des chevaux emballés, l'ogresse Jeanne Weber qui, au XXè siècle, asphyxia une dizaine de nourrissons et les sœurs assassines Christine et Léa Papin qui, en 1933, se déchaînèrent sur leurs patronnes ? L'infanticide, la sorcellerie, le poison, voire le vol sont-ils, comme on le dit communément, le propre des femmes ? Sans nier la réalité du crime, les regards, essentiellement masculins, que porte la société sur les femmes fautives tiennent lieu de réponse. Des vases antiques aux reportages télévisuels en passant par les miniatures médiévales, les tableaux de genre et les couvertures du Petit Journal, l'image est outrée, réductrice, stéréotypée, sans doute parce que la violence fait sortir les femmes du rôle attendu qui leur est conféré : celui de mère, d'épouse, de façon générale de porteuse de paix, de fécondité et de douceur.

La représentation des femmes délinquantes n'illustre pas seulement l'histoire d'une transgression des normes, elle distille les rapports implicites entre le masculin et le féminin. Historiens, historiens de l'art, juristes et politistes se sont ici réunis pour penser le phénomène sur la longue durée. En commentant ici plus de cent reproductions d'œuvres d'arts de journaux, d'affiches, etc., ils décèlent le rapport entre les clichés et la société qui les façonne et les colporte en les réadaptant subrepticement pour leur permettre de survivre. Ces permanences commencent à se rompre aujourd'hui sous l'effet d'un espace public et d'une culture de masse dont les femmes sont de moins en moins exclues.

Débat :

Comment se fait la représentation des femmes criminelles ? Tout d'abord, entre 4 et 17% des crimes sont commis par des femmes. On les explique pendant longtemps comme inhérentes à la nature (pulsionnelles) des femmes. Ce n'est qu'au XXè siècle avec l'apport de la sociologie et de Durkheim que l'on étudie les femmes à part entière. Leur action est souvent stéréotypée : sorcière... Héritage des clercs médiévaux : la femme trompe. La première femme trompée est Eve et Lilith est la première criminelle.

Afin de visionner les images avec plus de précisions et dans une taille supérieure, n'hésitez pas à cliquer sur elles.

Pauline SCHMITT-PANTEL pour l'Antiquité

Grandes différences entre le mythe et la réalité. Nous n'avons pas d'image réelle de l'Antiquité. Cependant grande imagination pour la mythologie. Pandora créée comme un beau mal (kalos kakon : καλός κακόν) est une des première criminelle. Autre exemple : Médée :

Il s'agit d'une image du IVè BC sur une amphore. On la voit tuer ses enfants. Elle est dépossédée de son rôle d'épouse par Jason qui a décidé d'épouser la fille du roi de Corinthe. Représentée comme un personnage barbare (cf. vêtement, ceinture, coiffure avec un bonnet phrygien). Aspect non-grec, extrême violence de la scène ; le fils est jeté comme un animal sacrifié (autel). Collusion meurtre/sacrifice. Ici on ne le voit pas mais comme dans l'ensemble de ce type de scènes, il y a un homme impuissant.

Image de Penthée tué par les Ménades, écartelé. La violence peut être légitimé (sorte de légitime défense). Pas de discours sur une nature criminelle des femmes.

Le meurtre d'Agamemnon représente une femme (Clytemnestre) complice du meurtre de son mari. Le meurtre de Cassandre (ci-dessous) est très violent. Cassandre fait un geste de supplication. On retrouve à nouveau dans cette image des objets religieux : autel, trépieds, double hache sacrificielle, rameau de laurier (scène apollinienne). Dans la représentation grecque, il y a une collusion acte sacrificiel/meurtre.

Guillaume MAZEAU pour la Révolution Française :

Charlotte Corday est bien souvent représenté comme une héroïne. Son statut de criminelle ne va pas de soi. Rappelons qu'elle est l'assassinat de Marat. Elle a pendant longtemps obnubilé des Français. Elle est un des éléments les plus représentés de la Révolution et aussi connue que Jeanne d'Arc. Sur son corps se concentrent plusieurs enjeux : politique (Révolution/contre-Révolution), sexuel. Elle est un support de la guerre des portraits (parfois, anti-modèle de criminelle qui la discrédite en la représentant avec une perruque aristocrate, des rubans verts du comte d'Artois, une posture agressive, etc.). Puis construction à la manière d'un homme de par son utilisation du couteau. D'autre moyens sont utilisés pour disqualifier Charlotte Corday comme à travers des images pornographiques ou érotiques, sorte de viol de Marat par Charlotte. Puis, elle sera véritablement assimilée à une héroïne et son portrait se trouve mélangé à celui de Marianne.

Annie DUPRAT pour l'époque moderne :

On trouve le plus souvent uniquement des figures de femmes célèbres : La Brinvilliers et l'affaire des poisons (ci-dessous, scène de son supplice à la manière des victimes de l'Inquisition) La Voisin... Cependant, en Angleterre, on trouve des représentations de femmes criminelles. Catherine Hayes (crime domestique par empoisonnement) s'est débarrassée de son mari avec l'aide de ses fils. Cette histoire est très médiatisée. En 1777, Marie Louise Desrues est elle une victime. C'est son mari qui est assassin et elle, considérée comme complice qui est exécutée par des émeutiers lors des massacres de septembre 1792 alors qu'elle était à la Salpétrière. Mary Blandy est pendue en 1752. Naïve elle écoute son futur mari qui lui conseille donner une certaine poudre à son père pour l'amadouer. Elle tue son père à l'arsenic sans comprendre.

Frédéric CHAUVAUD pour la période contemporaine :

Les bonnes et les servantes sont un "peuple souverain avec un corps invisible dont le corps est révélé par le crime. En 1908 à lieu la première thèse sur les servantes criminelles. Leurs actes sont très violents. Ne s'agit-il pas de crimes de haine ? C'est en tout cas une des questions posée par les historiens. La violence contre les corps est une sorte de révolte sociale extériorisée. Cependant, ces femmes sont peu représentées, le plus souvent, les images proviennent des procès.

En prolongement, je vous conseille vivement de vous procurer ce livre. Il est très riche aussi bien dans l'iconographie que dans les textes. L'ensemble de cet ouvrage suscite l'intérêt et même la curiosité sur ce sujet mal connu. Ce livre est un des premier du genre et l'étude historique de ce thème est elle-même est novatrice. A lors n'hésitez pas !


Marion Salaün-Chollet

mardi 20 octobre 2009

Un petit panorama de nos 4 jours à Blois !

Benjamin Bruneau, Charlotte F., Claire Chevrier-Gros, Lucie Rober, Pauline R, Emilie T.

lundi 19 octobre 2009

Confidences de Georges Vigarello



Merci à Georges Vigarello pour le temps qu'il nous a accordé à la Maison de la Magie.

Benjamin Bruneau, Charlotte F., Claire Chevrier-Gros, Lucie Rober, Pauline R., Emilie T.

La Femme dans l'Orient et la Bible


13h25, j’arrive sur les lieux de la conférence mais catastrophe : ils commencent déjà à faire rentrer le public… Il y a beaucoup trop de monde pour qu’on rentre tous dans l’amphithéâtre… Là, j’y vais au culot et je rentre par une autre porte… Ravie de voir qu’une petite place m’attend…
Je comprends vite que j’ai bien fait d’être un peu maligne étant donné qu’une dizaine de personnes se font refouler à l’entrée… A retenir pour les autres RDV de l’Histoire : l’amphi 2 de l’antenne universitaire est minuscule !
Il est à peu près 13h30 quand les intervenants arrivent : tout d’abord Elisabeth Dufourcq (docteur en sciences politiques, ancien membre du comité national d'Éthique et ancienne secrétaire d'État à la Recherche, elle a publié, notamment, Les femmes japonaises (Denoël), L’Histoire des chrétiennes (Broché) et Les Aventurières de Dieu (JC Lattès) qui a reçu la médaille de vermeil de l'Académie française), Françoise Malbran Labat (directrice de recherche, spécialiste de la Mésopotamie ancienne, membre du CNRS et philologue) et pour mener le débat Benoît de Sagazan (rédacteur en chef du Monde de la Bible).
Ce débat est proposé par le Monde de la Bible et aborde les thèmes de la stérilité, de la virginité et de la maternité dans la Bible, et du traitement du corps dans les textes mésopotamiens.

Dans les premières communautés chrétiennes, les femmes sont rejetées et suivent Jésus. L’infanticide dans ces premières communautés concerne plus les jeunes filles. En effet, une femme est encore plus impure si elle accouche d’une fille.
Dans l’Evangile de Matthieu, « le songe de Joseph » on perçoit un problème lié à la virginité, la pureté et la maternité : l’Annonciation de l’ange Gabriel à Joseph de la conception virginale de Jésus. Joseph doit donc accepter la non virginité de sa fiancée Marie, il doit faire le sacrifice de sa culture : la virginité de sa femme ne lui appartient pas.
Dans le droit des hébreux, la virginité symbolise l’authenticité d’Israël. Cette virginité est un trésor qui appartient aux parents cependant le père n’a pas le droit de faire ce qu’il veut de la virginité de sa fille comme par exemple, la prostituer.
La prostitution est perçue comme étant un crime, surtout quand c’est le peuple d’Israël qui se prostitue. Marie Madeleine est, avant de rencontrer le Christ, une prostituée et elle est libérée de ses démons quand elle rencontre Jésus.
La femme peut être soupçonnée par son mari d’aimer un autre homme mais son témoignage n’est pas pris en compte pour la disculper. Le mari emmène sa femme devant le prêtre c’est ce qu’on appelle la cérémonie de l’oblation de jalousie où le prêtre fait boire à la femme l’eau d’amertume. Si elle a trompé son mari, son ventre grossit et son sexe se flétrit. Cette épreuve est donc une ordalie.
Le rapport entre l’homme, le corps de la femme et sa pureté semble important. En effet, si la femme est violée avant que son mari ait consommé le mariage c’est un crime grave. Dans le Livre des juges (l'un des livres de la Bible qui raconte la période de l'histoire des Hébreux entre la conquête du Pays de Canaan et l'apparition de la royauté), on apprend qu’une femme de la Tribu des Lévi se fait violer par un membre de la Tribu de Benjamin. Le mari de cette femme décide de la couper en 12 morceaux et d’en envoyer un pour chaque tribu d’Israël.
On peut aussi lier la virginité à la prophétie avec l’exemple de la prophétesse Anne qui déclare Jésus, Messie dans le temple de Jérusalem. Cependant, la femme n’est pas très bien vu dans ce rôle comme nous le montre l’exemple des apôtres qui parlent eux de fausses prophétesses, ils déconsidèrent la capacité de prophétie des femmes.
Il est aussi important d’aborder la question de la femme en s’intéressant au thème de la stérilité et de la maternité.
Abram (Abraham) et Saraï n’arrivent pas à avoir d’enfant car elle est stérile cependant il reçoit la promesse de Dieu de multiplier sa descendance pour lesquels la terre de Canaan est destinée. Pour assurer à son mari une progéniture, Saraï donne à Abram sa servante, Agar, comme concubine qui porte donc l’enfant d’Abram. L’enfant naît se nommant Ismaël, qui est le père de nombreux père d’Orient.
Après la naissance d’Ismaël Abraham conclut une alliance avec Dieu et obtient le nom d’Abraham et Sarah pour sa femme.
Dans le chapitre 18 de la Genèse Dieu et trois hommes annoncent à Abraham qu’il va avoir un enfant de Sarah alors qu’ils sont très vieux et elle est ménopausée. Le nouveau né se nomme Isaac.
La maternité peut être liée au miracle notamment quand il y a stérilité de la femme. Dans cette lignée, nous avons aussi l’exemple de Isaac et Rébecca qui donnent naissance à deux jumeaux, Jacob et Esaü alors qu’elle est stérile.
La maternité est considérée dans la religion comme un don de Dieu.

Dans les textes de l’Orient ancien, et dans la civilisation des akkadiens (babyloniens et assyriens) en Mésopotamie nous retrouvons deux déesses qui représentent la femme, toutes les deux portent un nom d’origine sumérien. Tout d’abord, Ninhursag est l’archétype de la femme en temps que mère. Elle représente la déesse de la fertilité, la mère des dieux et la dame des montagnes. La deuxième se nomme Inanna (nom sumérien) ou Ishtar (nom akkadien) qui est la déesse de l’amour, de la guerre, fille du dieu de la lune, déesse dominatrice qui a de nombreux amants. De plus, elle est la déesse de l’amour libre et de la prostitution mais aussi des femmes enceintes et des enfants.
Chaque année au nouvel an, se tient un mariage sacré c'est-à-dire que le souverain est tenu « d’épouser » l’une des prêtresses représentante d’Ishtar, afin d’assurer la fertilité des terres et la fécondité des femelles.
On en vient donc à s’intéresser au mariage et à la famille dans cette civilisation. L’enfant quand il naît , il doit rendre un culte aux ancêtres de son père mais pas à ceux de sa mère. En effet, quand la femme se marie elle doit quitter sa famille, et entre dans celle de son mari.
C’est une société monogame étant donné qu’entretenir plusieurs femmes coûte cher, par conséquent ce ne sont que la haute société qui se le permet ou les maris qui ont des femmes stériles. Le code d’Hammurabi (exposé au Musée du Louvre) nous dit que l’homme peut prendre une seconde femme mais que c’est la première qui la choisit et la commande. Si la seconde n’a pas d’enfant, la première peut la vendre.
Le code nous dit aussi que si l’épouse ne donne pas d’enfant il peut la répudier à condition qu’elle ne soit pas malade. La stérilité n’est pas un phénomène médical pour les mésopotamiens mais vient d’une décision des dieux qui veulent modérer les naissances.
Si le mariage a des conditions spécifiques, le contrat est inscrit sur une tablette sinon il est oral.
En ce qui concerne la naissance de l’enfant, un traité akkadien formule des diagnostics et pronostics : Si le bout du sein est noir, ce sera un garçon au contraire s’il est rouge se sera une fille. Si le bout du sein de la mère est recroquevillé cela veut dire que l’enfant ne verra pas le jour. Cependant on s’efforce de faciliter l’accouchement grâce à des incantations.

Ce débat m’a totalement enrichi de connaissances historiques et bibliques, et m’a amené à me poser des questions sur l’image de la femme dans le monde actuel. En effet, la femme s’est émancipée, sa virginité lui appartient et la pureté du corps de la femme n’est plus un tabou. Elles ont une réelle place au sein de la société, où elles assument parfois seules la maternité, la stérilité…

Charlotte F.

Le corps dans l'Antiquité grecque : la conquête d'un espace.


Cette table ronde autour du corps grec s’est déroulée le samedi matin de 9h30 à 11h en présence de Lydie Bodiou, Pierre Brulé, Véronique Mehl, Francis Prost et Jérôme Wilgaux à l’Amphi rouge, au campus de la CCI. Cette équipe d’enseignants chercheurs travaillant essentiellement à l’Université de Rennes 2, ont pour axe de recherche : le corps dans l’Antiquité Grecque.
Cette conférence s’est véritablement déroulée dans une ambiance détendue et sympathique, les intervenants faisant preuve de beaucoup d’humour, notamment Pierre Brulé, qui n’était pas avare de bons mots.

La table ronde a commencé avec l’intervention de Jérôme Wilgaux qui s’est intéressé à la physiognomonie, mot d’origine grecque signifiant l’étude du caractère d’une personne à partir de sa physionomie. En fait cette discipline, dont les anciens grecs étaient très friands, consiste à établir une correspondance entre le corps d’une personne et ses qualités morales, son ascendance, son avenir. Les signes qui étaient retenus pouvaient être très divers, allant de la forme du visage à la couleur des cheveux, en passant par un handicap quelconque. Cette physiognomonie pouvait partir de la zoologie, par exemple un lion dans l’Antiquité grecque était vu comme un animal courageux, donc si un humain ressemblait à un lion, il était lui-même quelqu’un de très courageux ! L’ethnologie était également prise en compte ainsi les égyptiens étaient perçus comme un peuple de lâche, donc logiquement si un homme, même grec, ressemblait à un égyptien, il était forcément un être lâche !
Les traits physiques pouvaient être délaissés au profit des gestes. Mais en général ce sont à la fois les traits physiques et les gestes qui furent utilisés pour exposer le caractère moral d’une personne.
On retrouve ces traités de physiognomonie grecque à l’époque moderne, et notamment dans les traités de civilités, Erasme en utilisa lui-même dans un de ces ouvrages en 1530.

Ce fut ensuite au tour de Pierre Brulé de nous exposer une histoire du poil dans l’Antiquité Grecque. Sujet, qui même s’il semble amusant, n’en reste pas moins sérieux. Ainsi on apprend que de nombreux médecins et biologistes grecs se sont intéressés à la physiologie du poil. Les grecs voyaient la peau comme un tissu poreux présentant alors à quelques endroits : du vide, et le poil était censé pousser dans ces vides. Deux types de poils étaient distingués : ceux de naissance et ceux qui poussaient lors de la croissance.
En Grèce les personnes dotées d’une forte pilosité étaient moqués, notamment dans les pièces de théâtre comique, et il en était de même pour ceux qui se rasaient trop.
Les cheveux sont également très important, à la fois symbole des grands héros qui portaient les cheveux, comme Thésée par exemple, ils sont également le symbole du passage à l’âge adulte pour le jeune garçon, c’est un véritable rituel religieux car on coupe les cheveux du garçon qui sont alors consacré aux dieux, comme le raconte entre autre l’auteur Théoridas.
En ce qui concerne les femmes et les jeunes filles, la pratique de l’épilation existait, elle était un moyen de débarrasser le corps de son aspect trop adulte, et ainsi de le rendre plus proche de l’enfance. En effet les grecs avaient des préférences pour les corps et la douceur de la peau d’enfant, qui étaient synonymes d’érotisme.

Lydie Bodiou et Véronique Mehl ont ensuite pris le relais chacune leur tour. La première sur les parfums et la femme en Grèce Antique, la seconde sur les odeurs également, mais celles qui sentent mauvais ! Lydie Bodiou est revenue sur l’importance du parfum pour les femmes à cette époque, il est à la fois imaginaire et représentation sociale. Il y a une stigmatisation par l’odeur : le parfum dit ce que l’on est, tout comme les traits physiques et les gestes dans le cadre de la physiognomonie. De nombreuses sources traitent du parfum et des femmes. Les déesses Héra et Aphrodite utilisaient des soins huileux aromatisé pour s’hydrater le corps et surtout pour le rendre brillant.
Outre l’aspect esthétique, le parfum était utilisé comme un produit médical, en effet l’utérus de la femme était vu comme un organe sec qui se déplaçait à travers tout le corps à la recherche d’organes humides. Le parfum était alors utilisé pour dompter cet utérus vagabond. Mais le parfum n’est pas que féminin, les hommes en utilisent également dans le but premier de séduire. En revanche, les personnes âgées et en particulier les femmes ne devaient plus recourir à cet artifice. Aristophane, grand auteur de pièce de théâtre grec comique, se moque d’ailleurs dans Ploutos, l’une de ses pièces, d’une vieille femme ayant recours à de trop nombreux artifices pour avoir l’air jeune et qui finalement n’a que l’air ridicule. L’usage du parfum devait rester esthétique et sensuel. Le parfum pouvait également être utilisé à des fins de tromperie. Dans l’iconographie, on retrouve souvent le parfum associé au mariage, avec des images de servantes tendant à la jeune mariée de grands vases de ce produit odorant.
Au même titre que la parure, les mots, les gestes, le parfum ou son absence est révélateur d’une personnalité, et de plus il donne la hiérarchie d’une personne.
Véronique Mehl a enchainé sur cette idée d’odeur, mais cette fois-ci sur les odeurs déplaisantes, notamment corporelles. Ces mauvaises odeurs vont également stigmatiser l’humain et le placer sur une échelle qui va de la bonne odeur des Dieux à la puanteur de l’animal. Cette dernière est très mal vue dans l’Antiquité grecque, et c’est toujours plus ou moins le cas dans nos sociétés, elle est signe de maladie, de blessure, de vieillesse et surtout de mort. Les Dieux sont vus comme étant différents des humains, notamment de par leur alimentation, les Dieux mangent des mets raffinés ce qui leur permet d’avoir une haleine parfumée, et de plus ils ne connaissent pas la mort, donc jamais ils n’auront une odeur de cadavre en décomposition. Ces êtres supérieurs sentent donc tout le temps bon, et c’est cette même odeur qui les trahit lorsqu’ils descendent parmi les humains, même quand ils changent de forme. Néanmoins dans les sources, un seul homme est vu comme n’ayant pas de mauvaises odeurs, même lors de sa mort : c’’est Alexandre le Grand, qui est resté durant sept jours sans soins et en plein chaleur, et pourtant il est rapporté que son cadavre ne dégageait aucune odeur nauséabonde.
Finalement assez peu de sources parlent des mauvaises odeurs (sauf en ce qui concerne les cadavres), souvent pour les décrire les grecques les comparent à des odeurs animales : comme celle du bouc, du phoque et même du cuir puisque après tout le cuir est la peau d’un animal mort. Donc pour les hommes « sentir le bouc »est une insulte (je crois qu’il en serait de même aujourd’hui !).
Les lieux privilégiées pour ces mauvaises odeurs sont les aisselles car se sont des endroits fermés, chauds et humides. En ce qui concerne les femmes, celles qui sont le symbole de la mauvaise odeur : ce sont les vieilles femmes. Et les mauvaises odeurs ne concernent pas que le sens de l’odorat, la vue et le toucher sont également pris en compte.
Certains hommes comme les tyrans par exemple sont vus comme des êtres mauvais et dont la méchanceté transparait physiquement notamment intérieurement par le biais d’une mauvaise haleine.

Enfin, c’est Francis Prost qui a terminé la conférence, malheureusement cette dernière touchant presque à sa fin, Francis Prost a du exposer plus rapidement son propos qui du coup était également un peu écourté. Il s’est intéressé à l’image du corps, et cela dès le IXème siècle a travers l’art grec. En effet dès cette époque va se mettre en place un système conventionnel pour représenter le corps, avec une très grande profusion de formes pour représenter les différents types. De plus l’art grec lorsqu’il cesse de recourir à des figures géométriques, se donne pour but de signifier, plus que de représenter.

Cette conférence a pu montrer que le corps grec, qui est finalement peu représenté dans les livres traitant de l’histoire du corps, n’en reste pas moins un objet historique permettant de mieux comprendre une société du passé. Cette histoire du corps possède en plus de nombreux points communs avec nos canons de mode actuels : aujourd’hui encore une pilosité trop importante est mal vue même chez les hommes, l’usage du parfum reste toujours un artifice important de la parure féminine et masculine, les mauvaises odeurs sont stigmatisés, et finalement on assiste encore à l’heure actuel à des « délits de faciès » qui pourrait être apparenté à de la physiognomonie.

Afin d’approfondir le sujet, il est possible de consulter les livres suivants :
· BODIOU (Lydie), FRERE (Dominique), MEHL (Véronique), GRASSE (Marie-Christine), Parfums et odeurs dans l’Antiquité, 2008.
· COLLECTIF, L’expression des corps dans l’iconographie Antique, 2006.
· DASEN (Véronique), WILGAUX (Jérôme), Langages et métaphores du corps, 2008.
· PROST (Francis), WILGAUX (Jérôme), Penser et représenter le corps dans l’Antiquité, 2006.
Lydia







L’Histoire des anormaux par Jean-jacques Courtine.





L’auteur, professeur d’anthropologie culturelle à l’Université Paris III, nous dévoile une dimension méconnue du corps.
Autour de la simple question de savoir quelles évolutions ont subies les sensibilités à propos des corps, Courtine nous brosse un tableau du Paris au XIXe siècle où des personnes humaines étaient exposées en qualité de « Monstres »(femmes à barbe, deux têtes sur un même tronc, lilliputiens, visages déformés…) dans des baraques de foire, dans l’arrière salle de cafés ou comme le célèbre « Elephant Man » exposé dans une boutique d’épicerie désaffectée. A Manhattan, The american museum, fonctionnant de 1841 à 1868, reçu plus de 41millions de spectateurs. Comment expliquer un tel succès ? La raison en est toute simple. L’exhibition de l’anormalité était un puissant vecteur de normalisation. Le « monstre » sert d’exemple, il rassure car il représente l’opposé de l’homme civilisé.
De la part des autorités, en montrant ainsi les ravages sur le corps humain, les individus étaient mis en garde face à des comportements condamnables (comme par exemple une sexualité risquée ; à une époque où la syphilis faisait de gros ravages).
Cependant, cela ne doit pas masquer le fait que les représentations de « monstres » revêtaient un caractère banal. A la sortie des « expositions », les personnes recevaient des cartes postales représentant les « montres ». Ces cartes se retrouvent dans les albums familiaux, aux cotés de celles représentant des paysages ou des monuments. Un véritable tourisme est associé à ces représentations : en Bretagne, on rencontre des femmes centenaires ou l’image de l’idiot du village se retrouvant un peu partout en France.


Une rupture fondamentale s’effectue après la première guerre mondiale. C’est ce que Courtine appelle « la médicalisation du regard ». A la fin du XIXe siècle, le corps médical s’empare du monopole de regard sur les « monstres ». De plus, un nouveau sentiment moral émerge composé de reconnaissance humaine et de souffrance ressentie pour ces « monstres ». Cela est véhiculé dans la littérature à travers les souffrances du Frankenstein de Shelley ou de celles du quasimodo d’Hugo. L’expérience des tranchées et la solidarité nationale s’exerçant lors du début du XXe siècle, ont renforcé ce sentiment de compassion à l’égard de ces « monstres » considérés non plus comme venant de l’Enfer mais comme humains.

A travers ce bref exposé, nous nous apercevons que la curiosité elle-même peut faire l’objet d’une étude historique. Il nous permet en outre de reposer la question du handicap, notion apparaissant à ce moment où les sensibilités sont transformées, perçue à travers la représentation des corps et donc susceptible d’être modifiée.

Benjamin BRUNEAU.

dimanche 18 octobre 2009

Corps sexuel, corps sexué

Conférence du 08/10/09 à la Maison de la Magie

Intervenantes : Christine Bard, Sandra Boehringer (historiennes), Priscille Touraille (anthropologue)

Toujours à la Maison de la Magie, je poursuis mon cycle de conférences et après avoir rencontré G. Vigarello, je suis à présent face à ces femmes. Il faut sortir rapidement de la première conférence pour refaire la queue, puisque les deux conférences se suivent... mais ne se ressemblent pas.

Dès l'introduction par la modératrice, la conférence se lance sur des notions complexes et des querelles de définitions. Je m'attendais je dois dire à une conférence davantage grand public, tel que le mentionnait le programme, en s'interrogeant sur : Comment le genre façonne les corps ? Comment le genre affecte-t-il la nos pratiques sexuelles ?... Mais le sujet est bien plus profond qu'il n'y paraît et rien que les tentatives de définitions sont à chaque fois contestées et remises en cause par les intervenantes et en particulier par l'anthropologue qui titille et provoque le spectateur.

Tout d'abord, quel sens donner au terme de genre ?

Ce terme a fait progresser les recherches et notamment à ouvert le domaine à plus de mixité avec l'étude de la masculinité. La première intervenante souligne les mésusages éventuels de ce terme mais reconnaît qu'on peut en donner plusieurs définitions. "Le genre n'est pas seulement une construction sociale et culturelle du sexe mais il représente aussi des rapports de pouvoirs" (Joan Scott ; historienne américaine). Analyse en terme de genre est sensée abolir la notion de domination masculine. En ce sens, au départ, il s'agit d'un terme très militant. On peut aussi utiliser le terme de sexe, de processus de différenciation ou de différenciation sexuelle. Des confusions subsistent.

De quelle manière façonne-t-on le corps, les gestes... ?

Le vêtement modèle le corps et les gestes, comme le montre bien l'image du corset qui contraint la femme. L'identité que nous attribue la société/que l'on se donne est une construction. Mais cela peut se faire de différentes façons. Dans l'Antiquité par exemple, la première différence perçue est la classe sociale (et non le sexe), due à une différence vestimentaire (je suis un corps que l'on peut atteindre : la prostituée//que l'on ne peut pas atteindre : la matrone).

Le système de genre fonctionne surtout chez l'homme. La polarité de l'homme fait sens. Ainsi, l'homme dur, qui a fait son service militaire (hoplite) se distingue de l'homme mou (cynède). Les valeurs d'une bonnes matrone sont masculines et renvoient donc à une conception morale. Cette polarité se retrouve dans les textes antiques.

Les pratiques sociales façonnent les corps. On obtient une certaine érotisation des corps. Le lien entre identité personnelle et identité sexuelle est récent.

Dans l'Antiquité, le corps érotique est masculin : corps nu, et en particulier les fesses (cf. les statues)//jeunesse et bonne santé. Cependant, les seins (qui sont uniquement assimilés à la fonction nourricière) sont peu ou pas érotisés.

Dans la période contemporaine, la femme devient le sexe paré et les seins sont les objets les plus érotisés (la fonction nourricière est cette fois essentielle pour des populations qui sont attentives à la lutte contre la dénatalité). Dans les années 20, la révolution des garçonnes marque une nouvelle étape : formes de masculinité ; petite poitrine, corps longilignes/androgynes.

Quid de la liberté individuelle de réinvention de son apparence : le problème de la norme ?

Selon les sources antiques dont nous disposons, nous avons peu d'informations de pratiques parallèles ou de personnes qui ont des pratiques marginales. On trouve des textes qui se moquent des homosexuels. En lisant les pièces d'Aristophane par exemple, qui stigmatisent ce genre de pratique, on peut penser qu'il s'agit de pratiques très courantes. En fait on possède surtout des images qui sont l'idéal de la norme : image de la pédérastie chez les grecs.

Dans les faits, il y a aussi des "petites transgressions". On peut citer : le fait de monter à cheval en amazone, la masculinisation du vêtement, etc... L'image de George Sand résume bien ces transgressions : masculinisation du nom, déguisement en homme dans les rues de Paris...

Toutefois, la posture féministe a très longtemps été caricaturée physiquement et par rapport à leur pensée. Madeleine Pelletier, elle, revendiquait l'entière égalité des droits entre homme et femme, l'autodéfense des femmes (elle portait en permanence un révolver), la pratique sportive et militaire (bien qu'elle soit antimilitariste), l'éducation... De même, l'homosexualité féminine dans l'Antiquité était très mal vue en Grèce classique (alors que dans la Sparte archaïque c'est l'inverse, on a retrouvé des poèmes faisant l'éloge ou représentant des relations entre femmes).

Marion Salaün-Chollet

vendredi 16 octobre 2009

Le corps anormal

Conseil général 10/10/09 17h-17h30
Le portrait d’Antonietta

Élisabeth Latrémolière conservatrice au Château de Blois nous présente le portrait d’Antonietta, peint en 1583 par Lavinia Fontana. Antonietta est atteinte d’hypertrichose congénitale, une maladie extrêmement rare qui touche une personne sur 1 million. Elle est due à un dérèglement hormonal qui provoque une forte pilosité sur une partie ou l’ensemble du corps. Antonietta pose vêtue d’un costume de cour à la mode italienne de la fin du XVI e siècle. Cela démontre qu’elle est considérée comme une personne de qualité, et non pas comme un « bouffon ». La lettre qu’elle tient permet de l’identifier. Elle est la fille de Don Pietro Gonzales. Celui-ci a un destin extraordinaire. Il naît dans les Iles Canaries en 1556. A l’âge de 10 ans il est offert à Henri II et va vivre à la cour royale. Don Pietro reçoit une éducation approfondie qui fera de lui un homme de cour lettré. Il mène une vie prospère. Propriétaire de plusieurs maisons à Paris il est qualifié de docteur en droit et pensionnaire du Roi. Il se marie avec Catherine Raffelin avec qui il a sept enfants, trois d’entre eux sont atteints par la maladie.

La famille quitte la France en 1591 pour se rendre à la cour du Duc de Parme à qui elle a été offerte. Par la suite, la petite Antonietta est offerte à nouveau à la Marquise de Sarrogna. Elle est alors emmenée à Bologne devant le naturaliste Ulysse Aldrovandi qui prend des notes pour son livre, Histoire des monstres. Il veut obtenir un portrait de la jeune fille. Il est donc probable que le tableau est été réalisé à l’occasion de cette rencontre. Lavinia Fontana, la peintre qui exécute cette œuvre est une spécialiste des portraits de cour qui représente des femmes et des enfants accompagnés d’animaux. Ce tableau serait peut-être pour elle une synthèse entre une représentation animale et un portrait de cour. Une véritable passion s’est développée chez les princes de l’époque. Tous veulent un portrait, une gravure de ce phénomène à installer dans leurs cabinets de curiosités.

Bien que la famille Gonzales soit intégrée aux plus hautes sphères de la société, c’est une intégration qu’on pourrait qualifier de marginalisée. En effet, la famille obtient ce prestige et cette popularité pour la seule fascination qu’elle opère sur ses contemporains. Mais il semble que ses membres atteints d’hypertrichose soit plutôt considérés comme « objet de curiosité » plutôt que comme individu dans la mesure où ils ne disposent pas de leurs libertés. Ils sont « offerts » comme un objet à la mode. Leurs tenues d’apparat n’ont-elles pas pour objectif de rendre plus attractif un être déjà bien curieux?

Le portrait du père qui offre un double dialogue illustre bien le sentiment que la maladie évoque aux contemporains. La scène se situe dans une grotte, Don Pietro richement vêtu pose tel un homme de cour. Ainsi, il semble être considéré entre humanité et animalité. Pour comprendre l’état d’esprit des contemporains face à l’anormalité du corps il faut savoir que le XVIe siècle est caractérisé par son intérêt pour les phénomènes monstrueux ou extraordinaires. A tel point que l’on peut parler de cette période comme du « temps des monstres ». Tous animaux exotiques, créatures mythologiques, où phénomènes physiques non expliqués comme l’hypertrichose étaient qualifiés de monstre. Ainsi, la vie d’Antonietta et de son père illustrent la manière dont les Européens du XVIe siècle appréhendaient l’anormalité du corps, entre peur et fascination.
Anaïs Boutrolle

jeudi 15 octobre 2009



«De l'importance de la Géographie...pour la compréhension du monde contemporain.»
« Histoire et Géographie, sœurs réconciliées?»


De la Géographie? Aux rendez-vous de l'Histoire, mais pour quoi faire?! Il est vrai que parcourant la programmation de ces rendez-vous 2009, nous nous sommes (presque) tous interrogés sur la présence d'une conférence dédiée à celle à qui souvent l'Histoire fait de l'ombre, la Géographie. Et pourtant, cette présence est indispensable. La conférence s'est exprimée comme le lien entre les rendez-vous de l'Histoire de Blois, et la Géographie avec son célèbre festival de Saint-Dié-des-Vosges.

La Géographie trouve à s'exprimer à travers les voix de Sylvie Brunel, géographe spécialisée dans l'étude du développement(durable essentiellement) et de la famine (Famines et politiques,A qui profite le développement durable?),et de Jean-Robert Pitte, géographe renommé pour son appartenance à l'Académie des sciences morales et politiques et par ses études, largement diffusées, en géographie de l'alimentation(Le vin et le divin, A la table des dieux.).
Il s'agit pour eux de décrire les enjeux et missions actuels de la Géographie.

Selon S. Brunel, la Géographie s'est originellement inscrite dans le sillage de la conquête des territoires : l'homme cartographia les richesses matérielles et humaines. Pour beaucoup, la Géographie était une introduction militaire, «plantant le décor», permettant l'action des militaires. Cette vision déterministe trouve à s'exprimer dans cette citation d'Yves Lacoste : «la Géographie, ça sert d'abord à faire la guerre».
La Géographie a longtemps demeuré dans le giron de l'Histoire, et aujourd'hui encore. Ce n'est pas pour rien que l'on dit «histoire-géo».Pourtant, elle est là, connaissant une nouvelle actualité depuis les années 1990 depuis que notre vision du monde a considérablement évolué .La montée du développement durable a réintronisé la Géographie dans nos sociétés. D'ailleurs, aujourd'hui, évoquant la planète, c'est souvent la Géographie que l'on invoque.
La géographe s'est employée à démontrer que le discours actuel des médias en matière de développement et de planète (donc de géographie) pouvait être entièrement revisité. Ce discours, quotidiennement martelé, est culpabilisant et moralisateur. Il avance que la proportion hommes/ressources est devenue déséquilibrée, épuisant notre planète. Faux selon la géographe qui affirme que la capacité de charge d'un territoire dépend de multiples facteurs et qu'elle ne peut être analysée de manière absolue. Tout ne dépend pas du nombre d'individus à «utiliser» la planète mais du comment l'utiliser .
Ce discours s'offusque également devant la croissance «folle» de certains pays en voie de développement. Mais quelle légitimité avons-nous pour condamner des pays voulant atteindre le niveau de développement que nous connaissons, au prétexte que nous en connaissons les abus?
Nous ne sommes pas les seuls, pays développés, à avoir pour ambition de s'orienter vers une croissance verte.
La Géographie affirme ici sa grande utilité pour la compréhension du monde : les verdicts que l'on nous assène peuvent être déjoués. Nous avons bien su créer de la biodiversité pour répondre à nos besoins, nous possédons donc des capacités à reconstruire notre planète. Ne culpabilisons plus à outrance selon S. Brunel, "abandonnons nos conceptions idéalistes et manichéennes" du monde, et apprenons à amener à la coopération pour permettre à tous d'atteindre un certain niveau de développement par la croissance verte. «Parce que la géographie ça sert d'abord à faire la paix!»


Jean-Robert Pitte, quant à lui, fustige ce qu'il appelle «les prédicateurs catastrophiques», comprendre N. Hulot et Y-A. Bertrand. Selon lui, leurs actions contribueraient à la montée de ce qu'il qualifie de «néo-religions» dans un contexte de sacralisation de la nature et des espèces menacées. Il semble prendre grand plaisir à dire et redire, sur un ton provocateur, qu'il n'y a rien de gênant à manger de la baleine et qu'il en a d'ailleurs mangé deux fois. Mais ce n'est pas si bon...
Affirmant les mission de la géographie contemporaine, J-R. Pitte s'interroge, de façon plutôt polémique, sur la relation Histoire/Géographie aujourd'hui. Ces deux disciplines seraient «mariées pour le meilleur et pour le pire», indissociables l'une de l'autre dans l'enseignement secondaire. S'il y a plus de place à l'agrégation en histoire, c'est parce qu'il y a plus d' étudiants, mais pourquoi ces inégalités? Selon le géographe, trop peu de moyens sont accordés aux enseignants du secondaire, souvent plus historiens que géographes, pour approfondir leurs connaissances en Géographie. Le public, largement composé d'enseignants d'Histoire-Géographie, s'offusque lorsque J-R. Pitte, provoquant, avance que «la Géographie est traitée par-dessus la jambe dans le secondaire». Mais celui-ci précise, cette mise à l'écart de la géographie tient des institutions publiques et non directement des enseignants.
A cela, il réaffirme que la Géographie est fondamentalement une invitation faite à l'humanité et aux autres disciplines, à exercer leurs responsabilités sur l'orientation actuelle du monde. Pour lui, la Géographie est indispensable au monde «pour l'environnement et pour le plaisir d'étudier les inégalités terrestres, la géographie étant là pour s'émerveiller de la diversité». Les conditions humaines peuvent être étudiées de multiples façons et ces études sont permises par la Géographie.

Discours positif et dynamique de ces deux géographes favorablement accueilli par le public, malgré quelques incompréhensions... On aime ou on n' aime pas, mais il est sans conteste qu'ils expriment à eux deux une nouvelle géographie, fraîche et militante, s'affirmant comme une nécessité pour la compréhension du monde contemporain. La Géographie a fait peau neuve, nous proposant de vivre mieux, ensemble, dans un monde de diversité et de coopération. Si l'histoire nous permet de comprendre notre passé pour mieux appréhender notre présent, la Géographie nous propose un avenir différent où la coopération serait reine. Alors à quand une coopération plus approfondie entre les anciennes sœurs ennemies, Histoire et Géographie?

Lucie.Rober