mercredi 21 octobre 2009

Histoire du corps : recherche et enseignement
Intervenants : Pascal Brioist, Christian Renoux, Catherine Lanoë, Ulrike Krampl, Anna Heller, François-Olivier Touati


De toute évidence l’intérêt de cette table ronde était de montrer que le corps est plus que jamais un objet d’étude en histoire dans la mesure où il est au cœur de nos préoccupations actuelles qui tournent autour de questions comme la nudité, le suicide, les politiques de santé publiques… J’étais donc curieuse de savoir ce qui avait conduit ces enseignants dont certains ne m’étaient pas inconnus à s’intéresser au corps et à articuler leur recherche et leurs programmes autour de ce sujet.
Chaque intervenant était invité à présenter, à tour de rôle, l’un de ses travaux ayant pour sujet le corps et à nous faire partager ses motivations. Un tour de parole s’est donc instauré et c’est ainsi qu’il est revenu à Pascal Brioist maître de conférences en histoire moderne à l’Université François Rabelais de Tours de nous présenter en premier son ouvrage, Croiser le fer : Violence et Culture de l’épée dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècles), une histoire de l’escrime, une étude du geste, du geste mortel, dans lequel il démontre que le geste évolue à partir du XVIe siècle. C’est d’ailleurs dans ce cadre que Pascal Brioist a mené plus récemment un travail sur la mathématisation de la guerre au XVIe siècle.
Ensuite Catherine Lanoë, maître de conférences en histoire moderne à l’Université d’Orléans fut la seconde à nous parler de son travail de thèse cette fois, une Histoire des cosmétiques sous l’Ancien Régime. Ce travail l’a amenée à s’intéresser au corps dans la mesure où celui-ci devient le support d’une pratique. Catherine Lanoë s’est attachée à restituer, à partir de sources manuscrites telles que des actes de pratiques, la matérialité des produits et les cadres matériels de leur fabrication qu’ils soient artisanaux ou domestiques en portant son attention sur les gantiers parfumeurs.
Le tour de parole se poursuivant Christian Renoux, maître de conférences en histoire moderne à l’Université d’Orléans nous a expliqué qu’il travaillait sur les expériences mystiques et plus précisément les possessions qu’elles soient divines ou démoniaques. Il apparaît là aussi que le corps devient un objet d’étude dans la mesure où les personnes possédées le sont à travers leur corps qui devient un théâtre divin, le lieu de la possession démoniaque. Pour cette étude Christian Renoux a travaillé à partir de sources telles que les récits mystiques et les procès de canonisations. Au-delà cette recherche l’a conduit à étudier le rôle des reliques et le rapport au corps dans la vie monastique en lien avec les différentes pratiques acétiques.
Ulrike Krampl, maître de conférences en histoire moderne à l’Université de Tours, a publié plusieurs études sur le corps, notamment « Le corps à l’époque moderne » dans Genre et Histoire. La revue de l’Association Mnémosyne, printemps 2008, et propose aux étudiants de licences un enseignement autours de l’Histoire du corps. On y aborde tout ce qui touche au corps, les pratiques médicales, la torture, la sexualité...
Venons-en à une autre intervenante, Anna Heller, maître de conférences en histoire ancienne à l’Université de Tours. Anna Heller en tant que spécialiste des cités grecques à l’époque romaine s’intéresse principalement aux questions de transfert culturel et à la romanisation, elle ne consacre donc pas directement son étude à un thème ayant pour sujet, de près ou de loin le corps, toutefois elle est amenée à utiliser des sources traitant du corps notamment Homère, on y parle du corps vivant et du corps mort, on apprend que pour les grecs le terme « soma » c'est-à-dire corps ne désigne que le cadavre par exemple ce travail conduit alors à une approche plus anthropologique.
Enfin le dernier intervenant, François-Olivier Touati, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Tours, a souligné que le corps était pour lui un objet d’étude inévitable dans la mesure où sa recherche portait sur les léproseries : Maladie et Société au Moyen Âge. La lèpre, les lépreux et les léproseries dans la province ecclésiastique de Sens jusqu’au milieu du XIVesiècle. Le corps devient incontournable, il est porteur de la maladie, il est marquée par elle. François-Olivier Touati a ainsi traité des problèmes liés à l’exclusion des malades mais aussi à la situation des établissements à leurs origines, le tout à partir de sources essentiellement constituées de cartulaires.
A la lumière de ces expériences, on se rend compte que le corps est un sujet très actuel et tout à fait en lien avec l’Histoire, mais ce phénomène est-il nouveau ? Il apparaît que non, l’Histoire du corps intéresse les historiens depuis longtemps, au XVIIe siècle Jacques Lacan et Freud se sont interrogés sur la question de la possession. Pierre Cabanes, spécialiste de l’Antiquité a étudié les pathologies anciennes, simplement avec les Annales et notamment Marc Bloch on assiste à un changement d’approche qui met l’accent sur l’intérêt du corps proprement dit. Les traités de physiognomonie datant de l’Antiquité sont des sources remarquables pour les historiens et démontrent que le corps a de tous temps suscité l’intérêt des savants.

Qu’en-est-t’il de l’Histoire du corps et de l’enseignement ?

Au terme de cette table ronde une question s’est posée, celle de l’enseignement en histoire et de son lien avec le corps, ce thème peut-il et doit-il être intégré dans les programmes d’enseignement notamment dans le supérieur ? On remarque que de plus en plus d’enseignements proposent, dans leur contenu, l’étude du corps que ce soit à travers la médecine ou l’alimentation comme c’est d’ailleurs le cas à l’Université de Tours où certains des intervenants articulent leurs cours autours de l’histoire de la médecine, de l’histoire du corps ou des pratiques alimentaires. Enfin on note très clairement un engouement des étudiants pour ces sujets qui permettent de sortir de l’Histoire institutionnelle et politique qui a pourtant longtemps prédominé dans l’enseignement supérieur.
Pour conclure j’ai été étonnée de ne voir aucun spécialiste en histoire contemporaine intervenir à cette table ronde, on peut s’interroger sur cette absence alors qu’au contraire quatre d’entre eux étaient spécialistes de l’histoire moderne.

Pauline R.

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