mercredi 21 octobre 2009

Corps martyrisé, corps mythifié : les mythes et cultes du sacrifice dans l'armée française

Rencontre autour de la parution du livre en partenariat avec l'ECPAD. Salle Lavoisier le 10/10/09
Intervenants : CHRISTIAN BENOÎT, ancien conservateur du département Symbolique des archives de la Défense, GILLES BOËTSCH, anthropologue, directeur de recherches au CNRS, ANTOINE CHAMPEAUX, lieutenant-colonel, conservateur du musée des troupes de marine, ERIC DEROO, chercheur associé au CNRS, MARCELA FERARU, journaliste, REMY PORTE, colonel, CESAT, FRANCOIS REBICHON, professeur à l'université de Lille.

Quatrième de couverture :

Quarante auteurs - militaires, médecins, prêtres, historiens, journalistes, réalisateurs - français et étrangers.
Les archives pour la plupart inédites du service photographique des armées. Une iconographie saisissante illustrant le sacrifice du soldat, des allégories symboliques au réalisme du photoreportage. La première étude de fond sur la notion de " martyre patriotique ", du champ de bataille au musée. Tombe du Soldat inconnu, sacralisation du poilu de 14-18, combats héroïques et désespérés face à l'armée allemande en 1940...
Corps mythifiés des mausolées militaires, combattants " morts pour la France " à Diên Biên Phu en 1954 ou dans les montagnes afghanes en 2008... Ce culte du sacrifice est-il une spécificité française, ou est-il propre à toutes les armées du monde? Comment des hommes acceptent-ils de donner leur vie pour exécuter les ordres reçus? Quelles significations accorder aux symboles qui entourent la mort du soldat? A l'heure des " conflits émergents ", du " martyre terroriste ", mais aussi du concept de " guerre zéro mort ", cette somme incontournable porte un nouveau regard sur la réalité, les mythes et les représentations du sacrifice militaire.

Les grandes lignes :

  • Tout d'abord, on peut se poser des questions sur la genèse du sacrifice. Est-ce une spécialité française ? Les quarante contributeurs se sont axés sur le corps du soldat ; du champs de bataille à sa représentation "post-moderne". On peut aussi se demander de quelle manière le ministère de la défense (et en particulier l'ECPAD) a pris en compte les images de ce sacrifice.
  • La recherche est donc pluridisciplinaire et rassemble de anthropologues, des médecins, des militaires, des cinéastes, des historiens de l'art... On remarque rapidement qu'il y a un rapport avec le sacré, le divin. En Égypte, on offrait souvent de la nourriture ou des animaux... On sacrifie donc le corps de l'autre. Ce sacrifice a lieu pour s'accorder avec les dieux.
  • Une autre question est la portée et le sens du sacrifice humain : se sacrifie-t-on pour la patrie ou pour les dieux ? Cette idée de sacrifice pour la patrie est relativement moderne. Elle constitue un agent symbolique et social. Cette idée va de pair avec une autre : on doit faire la guerre mais ne plus se faire tuer (c'est quand survient la mort que naît l'idée de sacrifice).
  • La question du jeu des acteurs est aussi importante. comment prend-on en charge le corps blessé, que ce soit au niveau physique, moral ou psychique. Des chocs traumatiques post-conflit peuvent aussi tout à fait survenir. Cette question conduit à celle de la mort (repoussée ou déniée dans bien des cas, de façon voulue ou non d'ailleurs). Autour des souffrances, la cohésion du groupe est essentielle.
  • D'autre par, la notion de sacrifice est enseignée au soldats depuis longtemps. Les hommes se battent avec le souvenir, l'image, d'un comportement enseigné. De nos jours on s'attache aussi à donner les honneurs aux hommes morts au combat, sur le terrain et on peut s'occuper de chaque soldat. Il y a en permanence la remémoration des morts et une certaine éducation au sacrifice.
Au cours de l'Histoire, la notion de sacrifice a donc évolué. Le rapport à la mort n'est plus le même, d'autant que la médecine s'est largement améliorée. La guerre pose donc un problème : alors que l'on a tout les moyens pour prolonger la vie, la guerre met le corps du soldat directement en face de la mort. Le but aujourd'hui est des faire un minimum de perte, d'autant que chaque mort est maintenant "visible" et a tendance à s'ériger en martyr, sacrifié (voir les réactions des familles face à la mort de soldats français en Afghanistan alors que le métier militaire est bien le plus exposé à la mort). Aujourd'hui on refuse la mort, mais on continue de faire la guerre.

Marion Salaün-Chollet


1 commentaire:

  1. Les questions que posent ce sujet sont trés intéressantes, et tellement actualisées...une fois encore l'Histoire nous permet d'observer notre monde aujourd'hui.

    RépondreSupprimer