dimanche 18 octobre 2009

Corps sexuel, corps sexué

Conférence du 08/10/09 à la Maison de la Magie

Intervenantes : Christine Bard, Sandra Boehringer (historiennes), Priscille Touraille (anthropologue)

Toujours à la Maison de la Magie, je poursuis mon cycle de conférences et après avoir rencontré G. Vigarello, je suis à présent face à ces femmes. Il faut sortir rapidement de la première conférence pour refaire la queue, puisque les deux conférences se suivent... mais ne se ressemblent pas.

Dès l'introduction par la modératrice, la conférence se lance sur des notions complexes et des querelles de définitions. Je m'attendais je dois dire à une conférence davantage grand public, tel que le mentionnait le programme, en s'interrogeant sur : Comment le genre façonne les corps ? Comment le genre affecte-t-il la nos pratiques sexuelles ?... Mais le sujet est bien plus profond qu'il n'y paraît et rien que les tentatives de définitions sont à chaque fois contestées et remises en cause par les intervenantes et en particulier par l'anthropologue qui titille et provoque le spectateur.

Tout d'abord, quel sens donner au terme de genre ?

Ce terme a fait progresser les recherches et notamment à ouvert le domaine à plus de mixité avec l'étude de la masculinité. La première intervenante souligne les mésusages éventuels de ce terme mais reconnaît qu'on peut en donner plusieurs définitions. "Le genre n'est pas seulement une construction sociale et culturelle du sexe mais il représente aussi des rapports de pouvoirs" (Joan Scott ; historienne américaine). Analyse en terme de genre est sensée abolir la notion de domination masculine. En ce sens, au départ, il s'agit d'un terme très militant. On peut aussi utiliser le terme de sexe, de processus de différenciation ou de différenciation sexuelle. Des confusions subsistent.

De quelle manière façonne-t-on le corps, les gestes... ?

Le vêtement modèle le corps et les gestes, comme le montre bien l'image du corset qui contraint la femme. L'identité que nous attribue la société/que l'on se donne est une construction. Mais cela peut se faire de différentes façons. Dans l'Antiquité par exemple, la première différence perçue est la classe sociale (et non le sexe), due à une différence vestimentaire (je suis un corps que l'on peut atteindre : la prostituée//que l'on ne peut pas atteindre : la matrone).

Le système de genre fonctionne surtout chez l'homme. La polarité de l'homme fait sens. Ainsi, l'homme dur, qui a fait son service militaire (hoplite) se distingue de l'homme mou (cynède). Les valeurs d'une bonnes matrone sont masculines et renvoient donc à une conception morale. Cette polarité se retrouve dans les textes antiques.

Les pratiques sociales façonnent les corps. On obtient une certaine érotisation des corps. Le lien entre identité personnelle et identité sexuelle est récent.

Dans l'Antiquité, le corps érotique est masculin : corps nu, et en particulier les fesses (cf. les statues)//jeunesse et bonne santé. Cependant, les seins (qui sont uniquement assimilés à la fonction nourricière) sont peu ou pas érotisés.

Dans la période contemporaine, la femme devient le sexe paré et les seins sont les objets les plus érotisés (la fonction nourricière est cette fois essentielle pour des populations qui sont attentives à la lutte contre la dénatalité). Dans les années 20, la révolution des garçonnes marque une nouvelle étape : formes de masculinité ; petite poitrine, corps longilignes/androgynes.

Quid de la liberté individuelle de réinvention de son apparence : le problème de la norme ?

Selon les sources antiques dont nous disposons, nous avons peu d'informations de pratiques parallèles ou de personnes qui ont des pratiques marginales. On trouve des textes qui se moquent des homosexuels. En lisant les pièces d'Aristophane par exemple, qui stigmatisent ce genre de pratique, on peut penser qu'il s'agit de pratiques très courantes. En fait on possède surtout des images qui sont l'idéal de la norme : image de la pédérastie chez les grecs.

Dans les faits, il y a aussi des "petites transgressions". On peut citer : le fait de monter à cheval en amazone, la masculinisation du vêtement, etc... L'image de George Sand résume bien ces transgressions : masculinisation du nom, déguisement en homme dans les rues de Paris...

Toutefois, la posture féministe a très longtemps été caricaturée physiquement et par rapport à leur pensée. Madeleine Pelletier, elle, revendiquait l'entière égalité des droits entre homme et femme, l'autodéfense des femmes (elle portait en permanence un révolver), la pratique sportive et militaire (bien qu'elle soit antimilitariste), l'éducation... De même, l'homosexualité féminine dans l'Antiquité était très mal vue en Grèce classique (alors que dans la Sparte archaïque c'est l'inverse, on a retrouvé des poèmes faisant l'éloge ou représentant des relations entre femmes).

Marion Salaün-Chollet

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