mercredi 21 octobre 2009

Le corps des femmes à l'épreuve du crime : images des femmes criminelles de l'Antiquité à nos jours

Conférence 10/10/09 dans l'Amphi 1 de l'Antenne Universitaire
Intervenant(e)s : FREDERIC CHAUVAUD, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Poitiers, ANNIE DUPRAT, professeure d’histoire moderne à l’IUFM de Versailles, CLAUDE GAUVARD, professeure d’histoire médiévale à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne, GUILLAUME MAZEAU, maître de conférences en histoire de la Révolution à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne, PAULINE SCHMITT-PANTEL, professeure d’histoire grecque à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, MYRIAM TSIKOUNAS, professeure d’histoire et audiovisuel à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, responsable de l’équipe Images, sociétés, représentations.

Quatrième de couverture :

Qu'y a-t-il de commun entre Ève, la première femme criminelle qui aurait été l'initiatrice du péché, Brunehaut condamnée, aux premiers temps du Moyen Âge, pour sa cruauté, à être traînée par des chevaux emballés, l'ogresse Jeanne Weber qui, au XXè siècle, asphyxia une dizaine de nourrissons et les sœurs assassines Christine et Léa Papin qui, en 1933, se déchaînèrent sur leurs patronnes ? L'infanticide, la sorcellerie, le poison, voire le vol sont-ils, comme on le dit communément, le propre des femmes ? Sans nier la réalité du crime, les regards, essentiellement masculins, que porte la société sur les femmes fautives tiennent lieu de réponse. Des vases antiques aux reportages télévisuels en passant par les miniatures médiévales, les tableaux de genre et les couvertures du Petit Journal, l'image est outrée, réductrice, stéréotypée, sans doute parce que la violence fait sortir les femmes du rôle attendu qui leur est conféré : celui de mère, d'épouse, de façon générale de porteuse de paix, de fécondité et de douceur.

La représentation des femmes délinquantes n'illustre pas seulement l'histoire d'une transgression des normes, elle distille les rapports implicites entre le masculin et le féminin. Historiens, historiens de l'art, juristes et politistes se sont ici réunis pour penser le phénomène sur la longue durée. En commentant ici plus de cent reproductions d'œuvres d'arts de journaux, d'affiches, etc., ils décèlent le rapport entre les clichés et la société qui les façonne et les colporte en les réadaptant subrepticement pour leur permettre de survivre. Ces permanences commencent à se rompre aujourd'hui sous l'effet d'un espace public et d'une culture de masse dont les femmes sont de moins en moins exclues.

Débat :

Comment se fait la représentation des femmes criminelles ? Tout d'abord, entre 4 et 17% des crimes sont commis par des femmes. On les explique pendant longtemps comme inhérentes à la nature (pulsionnelles) des femmes. Ce n'est qu'au XXè siècle avec l'apport de la sociologie et de Durkheim que l'on étudie les femmes à part entière. Leur action est souvent stéréotypée : sorcière... Héritage des clercs médiévaux : la femme trompe. La première femme trompée est Eve et Lilith est la première criminelle.

Afin de visionner les images avec plus de précisions et dans une taille supérieure, n'hésitez pas à cliquer sur elles.

Pauline SCHMITT-PANTEL pour l'Antiquité

Grandes différences entre le mythe et la réalité. Nous n'avons pas d'image réelle de l'Antiquité. Cependant grande imagination pour la mythologie. Pandora créée comme un beau mal (kalos kakon : καλός κακόν) est une des première criminelle. Autre exemple : Médée :

Il s'agit d'une image du IVè BC sur une amphore. On la voit tuer ses enfants. Elle est dépossédée de son rôle d'épouse par Jason qui a décidé d'épouser la fille du roi de Corinthe. Représentée comme un personnage barbare (cf. vêtement, ceinture, coiffure avec un bonnet phrygien). Aspect non-grec, extrême violence de la scène ; le fils est jeté comme un animal sacrifié (autel). Collusion meurtre/sacrifice. Ici on ne le voit pas mais comme dans l'ensemble de ce type de scènes, il y a un homme impuissant.

Image de Penthée tué par les Ménades, écartelé. La violence peut être légitimé (sorte de légitime défense). Pas de discours sur une nature criminelle des femmes.

Le meurtre d'Agamemnon représente une femme (Clytemnestre) complice du meurtre de son mari. Le meurtre de Cassandre (ci-dessous) est très violent. Cassandre fait un geste de supplication. On retrouve à nouveau dans cette image des objets religieux : autel, trépieds, double hache sacrificielle, rameau de laurier (scène apollinienne). Dans la représentation grecque, il y a une collusion acte sacrificiel/meurtre.

Guillaume MAZEAU pour la Révolution Française :

Charlotte Corday est bien souvent représenté comme une héroïne. Son statut de criminelle ne va pas de soi. Rappelons qu'elle est l'assassinat de Marat. Elle a pendant longtemps obnubilé des Français. Elle est un des éléments les plus représentés de la Révolution et aussi connue que Jeanne d'Arc. Sur son corps se concentrent plusieurs enjeux : politique (Révolution/contre-Révolution), sexuel. Elle est un support de la guerre des portraits (parfois, anti-modèle de criminelle qui la discrédite en la représentant avec une perruque aristocrate, des rubans verts du comte d'Artois, une posture agressive, etc.). Puis construction à la manière d'un homme de par son utilisation du couteau. D'autre moyens sont utilisés pour disqualifier Charlotte Corday comme à travers des images pornographiques ou érotiques, sorte de viol de Marat par Charlotte. Puis, elle sera véritablement assimilée à une héroïne et son portrait se trouve mélangé à celui de Marianne.

Annie DUPRAT pour l'époque moderne :

On trouve le plus souvent uniquement des figures de femmes célèbres : La Brinvilliers et l'affaire des poisons (ci-dessous, scène de son supplice à la manière des victimes de l'Inquisition) La Voisin... Cependant, en Angleterre, on trouve des représentations de femmes criminelles. Catherine Hayes (crime domestique par empoisonnement) s'est débarrassée de son mari avec l'aide de ses fils. Cette histoire est très médiatisée. En 1777, Marie Louise Desrues est elle une victime. C'est son mari qui est assassin et elle, considérée comme complice qui est exécutée par des émeutiers lors des massacres de septembre 1792 alors qu'elle était à la Salpétrière. Mary Blandy est pendue en 1752. Naïve elle écoute son futur mari qui lui conseille donner une certaine poudre à son père pour l'amadouer. Elle tue son père à l'arsenic sans comprendre.

Frédéric CHAUVAUD pour la période contemporaine :

Les bonnes et les servantes sont un "peuple souverain avec un corps invisible dont le corps est révélé par le crime. En 1908 à lieu la première thèse sur les servantes criminelles. Leurs actes sont très violents. Ne s'agit-il pas de crimes de haine ? C'est en tout cas une des questions posée par les historiens. La violence contre les corps est une sorte de révolte sociale extériorisée. Cependant, ces femmes sont peu représentées, le plus souvent, les images proviennent des procès.

En prolongement, je vous conseille vivement de vous procurer ce livre. Il est très riche aussi bien dans l'iconographie que dans les textes. L'ensemble de cet ouvrage suscite l'intérêt et même la curiosité sur ce sujet mal connu. Ce livre est un des premier du genre et l'étude historique de ce thème est elle-même est novatrice. A lors n'hésitez pas !


Marion Salaün-Chollet

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