lundi 30 novembre 2009

Ce que Torturer veut dire, de l’Antiquité à nos jours.

(Halle aux Grains, 9h30-11h, 10 octobre 2009).

Dans ce grand amphithéâtre de la Halle aux grains, Claude Gauvard, Françoise Sironi, Claire Andrieu, Marie-Françoise Baslez et Denis Crouzet étaient réunis autour de la table, afin de commencer leurs propos.

Dans toutes les périodes, la torture est présente. Elle peut être visible, dissimulée, pour faire avouer un crime commis ou non, ou bien utiliser par certains gouvernements pour extraire des informations dans d’atroces souffrances.

Nous avons commencé cette conférence par la présentation du magasine books « Pourquoi les démocraties torturent, de la guerre d’Algérie à la guerre d’Irak », de mai 2009, n°5.

Ensuite, la parole a été donnée aux différents conférenciers dans l’ordre chronologique.

Marie-Françoise Baslez a commencé la conférence. Cette historienne est professeure d’Histoire grecque à l’Université de Paris XII et s’appuie sur ses recherches et son livre : Les persécutions dans l’Antiquité. Victimes, héros, martyrs datant de 2007. La torture a été relativisée dans l’Antiquité. On a recours à la torture sous l’étendard de la quête de la vérité, surtout utilisé sur les esclaves qui ne sont pas coupable mais qui doivent dire la vérité. La torture physique est faite en public. Platon nous le dit dans La République : « la torture, c’est de fournir un beau spectacle », Saint Augustin partage la même vision. En exposant la torture, les autorités souhaitent montrer un corps abimé, c’est une vision anthropologique qui interdit à l’homme de devenir immortel. Dans la Rome antique nous avons le même schéma, sauf que cela devient au fil du temps un show, comme par exemple les crucifiés qui bordaient les routes dans l’Antiquité Romaine.

Vient le tour de Claude Gauvard, professeure en Histoire médiévale à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ces travaux et sa thèse de doctorat portaient sur Crime, Etat et Société en France à la fin du Moyen Âge, en 2 volumes en 1989. Ces recherches portent sur la circulation des nouvelles, information et opinion à la fin du Moyen Âge et sur l’Histoire de la justice et de la criminalité à la fin de l’époque médiévale. La torture, au Moyen Âge, est peu utilisée, en effet seul moins de 1% des personnes étaient placés sous écrou. La torture est un moyen d’obtenir un aveu et est inclus dans la question (c'est-à-dire le processus de torture), procédure extraordinaire. La torture devient un moyen de légitimité des religieux à partir du XIIIe siècle lors de l’Inquisition. En 1254, Saint-Louis disait : « on peut utiliser la torture pour les malfamés ». Au Châtelet, le prévôt de Paris fait écrire des confessions des criminels, enfin que les larcins soit avoués de la bouche du malfaiteur. On peut étudier le cas d’un chaussier de Paris qui a eu l’oreille coupée à la suite d’un vol dans les troncs d’église. Il est mis à la torture, puis dans une salle fermée (ce qui n’est pas un spectacle, différent de l’Antiquité) et ensuite on lui fait dire ses confessions ce qui montre la forte présence de la chrétienté. Dans certaines salles de la question, des tableaux du Christ peuvent être exposé. On remarque que contrairement à l’Antiquité, durant le Moyen Âge la torture ne s’expose plus à la vue de tous.

C’est au tour de Denis Crouzet, professeur à l’université de Paris IV-Sorbonne, directeur de l’UMR 8596 (centre Rolant Mousnier) et directeur de l’Institut de Recherches sur les Civilisations de l’Occident Moderne (IRCOM), il a reçu en 2008 le prix « Madeleine Laurain-Portemer » pour ses travaux. Il est spécialiste de l’histoire religieuse et politique du XVIe sicèle, Renaissance et Reformes, Histoire de la violence, Guerre et paix de religion et Histoire de l’imaginaire. Pour Denis Crouzet, il y a une continuité entre l’époque médiévale et l’époque moderne : le supplice de l’eau, du vinaigre (introduction du vinaigre dans le nez) en sont des exemples. A cette époque, la torture prend le chemin d’une lutte contre Satan, le condamné retient la vérité dans son corps, représentation du combat de Satan contre Dieu. Quand il y a un aveu, c’est Satan qui sort du corps du torturé. On a un espoir de réconciliation avec la religion. Au fur et à mesure, dans la sédition collection, les foules s’approprient le spectacle. Damiens, qui a voulu tuer Louis XV le mercredi 5 janvier 1757 à coup de canif, devant le Trianon, est placé à la torture.

Il sera soumis à la question extraordinaire, et torturé. Il fallait faire un exemple, mais le peuple a été dégoûté par le supplice, car les bourreaux s’y sont pris à plusieurs reprise afin d’écarteler Damiens. Ce fut l’un des derniers à mourir en place de grève.

D’une voix chevrotante due à l’émotion, Françoise Sironi tente de nous expliquer le récent procès de Duch, auquel elle a participé afin de mieux comprend sa personnalité. Elle est maître de conférence de l’Université Paris 8, directrice du Centre Georges Devereux et membre du centre Universitaire d’aide psychologique. Son livre, bourreaux et victimes. Psychologie de la torture, est très troublant. En 2008 elle a été amenée à faire l’expertise psychologique de Duch à la demande des juges d’instructions français et cambodgien. En amont du procès de Duch en février 2009, elle se pose des questions sur l’éclairage psychologique de la personnalité et montrer qu’il est le chef de S 21. Elle met en avant l’histoire singulière et l’histoire collective. Duch doit répondre des meurtres, extermination, réduction en esclavages, torture, viol, persécution politique et autres actes inhumains.

Il devient très vite une branche spéciale de l’épuration du régime cambodgien. Pour ce faire, il dirige le centre de détention S-21 au lycée Tuol Sleng, dans la région de Phnom Penh. C’est là qu’il tortura les cadres khmers rouges pour « extraire » leur trahison fictive.

Il est difficile de définir, à travers le temps, la torture. Elle prend des formes diverses au sein d’une même société et selon les différents pays.

Vidéo sur ce propos.

Interview de Françoise Sironi.

http://www.dailymotion.com/video/xamsst_f-sironi-a-propos-de-lexpertise-psy_news

Reportage de TV5 Monde sur la prison S-21 :

http://www.tv5.org/TV5Site/webtv/video-4813-Cambodge_La_prison_S21_a_Phnom_Penh.htm

Jérôme Lambourg

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