mardi 17 novembre 2009

La douleur au sein du système concentrationnaire

Ophir LEVY, philosophe, a fait son mémoire sur le thème de la Shoah et il travaille aujourd'hui en collaboration avec le CERCIL ( Centre d' Etudes et de Recherche sur les Camps d' Internement dans le Loiret).


L' histoire de la douleur connait un paradoxe suivant les époques. En effet, au 18ème siècle, la douleur est le guide du chirurgien. Petit à petit on va assister à une courbe de progression pour la promotion du malade en parallèle avec une courbe d'effondrement de la souffrance. Pourtant la première Guerre mondiale va marquer une régression dans cette histoire de la douleur. René Leriche va qualifier la guerre 14-18 comme « un déversement de la douleur ».


L'enfer organisé


Au sein des camps la douleur est généralisée, « la torture est l'essence même du IIIème Reich ».
Cela se traduit sous différentes formes: la faim, la soif, le froid....La faim et la soif sont des obsessions chez les déportés; « une faim lancinante » qui poussera certains au cannibalisme. Le froid au moment de l'appel martyrise les corps. A cela vient s'ajouter les poux, les maladies ( typhus,dysenterie).


La douleur est comme une norme dans les camps de concentration. Elle ne ravive plus les corps.


Une vie nue


Au sein des camps une mutation des corps s'opère. On passe d'un corps de plaisir à un corps sans vie.

Voici un poème qui illustre la souffrance du corps.

LE PIRE
Le pire, c’est la faim.

Avoir faim, attendre la coulée chaude.

Le pire, c’est le froid.Le froid quand on a faim.

Le froid des affamés qui tendent l’écuelle

Attendant tout du temps.

N’attendant rien d’eux-mêmes.

Le pire, c’est les coups,

Les coups dans les reins.

C’est aux reins que les genoux s’articulent.

Douleur des coups, des corps sous genoux,

Douleur aux reins après deux heures d’appel.

Coups au réveil.

Le pire c’est savoir

Qu’on ne sait pas quand ça finira,

Au matin de la Libération

Où chaque soir du désespoir.

Le pire c’est le voisin

Qui tend sa face.

Et sous nos yeux s’entrechoquent les dents.


Le pire, c’est qu’on marche à reculons

Dans des souliers pour

Géants,

Et que la nature nous coupe l’appétit.

Et nous faisons des pas petits petits

Comme des enfants

Rêvant d’espacesPlus grands.

Le pire, c’est le pyjama rayé

Pour affronter la nuit polaire,

Et tout ce que cette étoffe légère

Peut garder des seaux d’eau

Printanière.

Le pire, c’est d’être ici.

Le pire, c’est d’y penser.

Le pire, c’est d’écouter

Le temps qui ne s’écoule pas.

« La douleur détruit les instincts sociaux » mais « tant que le détenu préserve son corps, il est vivant ».Primo LEVY.

L 'expérience de la douleur déshumanise et ramène à l'espèce biologique stricte.

L'espèce humaine

La douleur est un marqueur d'humanité mais a contrario l'inhumanité d'un homme peut justifier le degré de la douleur infligée. Ce paradoxe met en évidence la question de l'infériorité et des différences de statuts ( les juifs, les noirs, les criminels).

Dans les camps de concentration le droit à la vie ne se justifie que par une utilité au travail.

D'un point de vue scientifique, le corps est un objet. D'un point de vue philosophique, il est déjà mort. De ce non rapport à l'autre né une négation de l'autre.

« Le sentiment de l'existence dépend du regard que l'on porte sur l'autre ».Primo LEVY.

Nissrine.L

1 commentaire:

  1. Combien d'heures j'ai passé à imaginer ces corps martyrisés. J'en ai même rêvé comme si j'y étais. La cruauté des hommes m'a dégoûté à jamais de la vie.

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