mardi 10 novembre 2009

Rencontre avec Ophir Lévy


Lucie Rober, Claire Chevrier-Gros, Emilie Texier, Benjamin Bruneau, Pauline Rondeau, Anaïs Boutrollle, Charlotte Foussard.


Ecole du Paysage 09/10/09 11h
« La douleur dans le système concentrationnaire »

Ophir Lévy doctorant et chargé de cours à la Sorbonne est l’auteur de Penser l'humain à l'aune de la douleur. Philosophie, histoire, médecine. 1845- 1945. Le fil conducteur de cette rencontre sera la douleur. Et pour commencer M Lévy nous pause une colle. Comment se fait-il qu’au XIXe siècle on tente d’atténuer la douleur ? Et qu’au XXe siècle le système concentrationnaire fait de la douleur sa règle ?
Tout d’abord, voyons quel est le rôle de la douleur dans un tel système? La torture est infligée sous différentes formes, les plus efficaces portent atteintes aux éléments essentiels à la vie du corps : la faim, la soif, le froid, mais aussi les coups, la maladie et les expériences médicales.
La faim et la soif sont les obsessions des déportés. « Il s’agit de devenir faim » disait Primo Levy. La douleur est comme une invasion sur l’individu, elle conduit parfois au cannibalisme constaté notamment durant le Ghetto de Varsovie. Dans les camps le regard des nouveaux arrivants sur les anciens est plein de considérations négatives, puisque ces êtres décharnés ne semblent plus qu’emprunt à une certaine bestialité face à leur lutte contre la faim. Et pourtant, viendra leur tour ou ils auront à subir eux aussi ce regard inquisiteur.
Le froid est aussi un élément clef de la domination des corps dans le système concentrationnaire. Ainsi par exemple les SS pouvaient faire l’appel des détenus qui restaient immobile durant des heures, très tôt le matin dans des températures très froides. Ou même dans des conditions plus qu’absurde, où tous doivent répéter une chanson pendant 4 heures sous la neige.
Les conditions de vie qui imposaient la promiscuité et le froid entrainaient une série de maladies plus effrayantes et fatales les unes que les autres : la fièvre typhoïde, la dysenterie, la coqueluche, la rougeole, la diphtérie...
La douleur était la règle dans les camps puisqu’elle permettait de soumettre les détenus par le biais de l’atteinte au corps. Une grande partie des travaux commandés étaient inutiles comme par exemple les détenus avaient pour ordre de construire un mur puis celui-ci une fois terminé devait être détruit… Cet ordre absurde était destiné à robotiser les prisonniers. De plus le corps ne peut disposer de repos puisque les SS submergeaient tout l’espace. Tout le monde pouvait se faire tabasser pour n'importe qu'elles raisons justifiées arbitrairement. La douleur détruit progressivement les instincts sociaux et détache petit à petit l’individu de la vie qu’il porte. Et pourtant selon Primo Lévy la douleur rattachée au corps, reste un indice de vitalité.

Au XVIIIe et au XIXe siècle la sensibilité à la douleur pouvaient déterminer la position d’un individu sur "une échelle" donnée dite de l’Humanité. A travers cette considération les individus les moins sensibles sont considérés comme étant en marge de l'Humanité voire de la bestialité. Si on estime alors que l’Autre n’a pas le même statut que nous ont peut se permettre de porter atteinte à son intégrité et à son humanité. C’est ainsi que les juifs ont été réduits à un matériel d’expérience.
Mais comment peut-on en arriver là? Le système concentrationnaire est emprunt à une déconsidération de l’Humanité en établissant une graduation de l’espèce humaine avec une sous-humanité. Certains sont même considérés comme des bouches inutiles et indignes de vivre comme les handicapés par exemple. L’atteinte à leur vie se justifie alors comme étant un « service » afin d’abréger leurs souffrances.
Toutefois, malgré cette volonté de deshumanisation du détenu, la perversité du SS est nourrit par la conscience qu’il a affaire à un être sensible. Puisque « L’indifférence du mort renvoi les coups au SS qui les donne». L’observation du système nazi dans sa déconsidération de l’humanité par la douleur nous permet de constater comment le corps et l’esprit se lient dans la lutte pour la survie. Mais aussi cet acharnement sur le corps mêlé à ce qui semble être un certain plaisir à réduire l’Autre, pose l’éternelle et effrayante question de la complexité de l’Humanité.
Anaïs Boutrolle

1 commentaire:

  1. Très intéressant ce qu'il dit sur le rapport entre corps et cinéma !

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