mercredi 30 décembre 2009

Corps sacrés, corps profanes L’image des héroïnes de Judith à Marianne

Le thème de cette communication semble quelque peu étrange, cependant, au fil du développement, les liens se tissent et la clarté se fait. Telle fut mon impression en sortant d’une petite salle de l’antenne universitaire de Blois en ce samedi après-midi.

La démonstration fut d’abord effectuée par Olivier Bouzy, chargé de cours à l’université d’Orléans et directeur adjoint, depuis 1988, du centre Jeanne d’Arc. Pour lui, nous ne connaissons qu’une représentation imaginaire du corps de Jeanne d’Arc, cette représentation serait l’œuvre de l’art médiéval, art avant tout symbolique et prototypique. En effet, par une comparaison de portrait, on remarque une forte ressemblance entre l’image de Jeanne d’Arc et les représentations médiévales de l’héroïne biblique Judith et de la prophétesse Deborah. Jeanne d’Arc est donc un mélange entre sa propre personnalité, et ces deux saintes héroïnes selon l’image que l’on souhaite donner d’elle. La démonstration se poursuivit par un petit cours sur l’imagerie médiévale et la symbolique : les corps féminins nus sont réservés aux défuntes, à Eve et aux héroïnes bibliques, les femmes sont toujours représentées selon leurs fonctions sociales et professionnelles, jamais une femme ne porte de chemise, et tout vêtement déchiré est synonyme de folie et de désordre. Nous remarquons donc une forte hiérarchie et une codification importante dans les images, ne cherchant pas à dépeindre la réalité, mais à exprimer des idées morales et allégoriques via des symboles précis et ordonnés.

La seconde partie de la démonstration fut effectuée par Yann Rigolet, doctorant à l’université d’Orléans qui, dans le cadre de ses recherches, avance une mutation de Jeanne d’Arc vers Marianne : Eu XVIIIème siècle, l’allégorie de Marianne s’impose comme symbole d’abord parisien puis national et vient faire disparaitre Jeanne d’Arc. Cette image, dans un premier temps captée par la jeune république, se voit réécrite au XIXème siècle par le courant romantique qui cherche à illustrer la révolution en la personnifiant. On peut dire que Jeanne d’Arc disparait pour incarner Marianne. Le rôle Jeanne d’Arc évolue, on remarque une baisse de la fréquentation des fêtes de Jeanne d’Arc, mais elle prend un caractère plus populaire et national avec la perte d’une partie du symbolisme religieux.
En effet, l’image de Jeanne d’Arc change, à la fin du XVIIIème siècle, elle adopte une posture guerrière au cœur de la révolution se rapportant au rôle de l’héroïne lors de la guerre de cent ans, puis, elle devient une Jeanne d’Arc libératrice et patriote. La mutation s’effectue par une simple évolution des attributs iconographiques.

Marianne quant à elle né officiellement en 1792, elle prend comme attributs et comme rôle la signification de la liberté et le salut par l’expiation, elle est censée représenter le peuple dans son intégralité, et plus particulièrement le peuple révolutionnaire, comme elle fut saisie par Delacroix sur le célèbre tableau La liberté guidant le peuple.

L’image des héroïnes se voit donc inscrite dans une continuité forte. Tout d’abord, au travers d’une forte représentation religieuse, évoluant en une représentation laïque et allégorique. Ces représentations se voient codifiés et hiérarchisées dans l’iconographie afin de conserver une héritage tout en se démarquant du passé.

Clément

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