mercredi 30 décembre 2009

Il y a 100 000 ans, les premiers pas de la beauté (actualisé)




Conférence 10/10/09 au Château de Blois

Intervenant : Denis Vialou

Cette conférence intervient dans le cadre de la parution du livre 100 000 ans de beauté aux éditions Gallimard (voir le descriptif et ici un feuilletage). La présentation de cet ouvrage avait eu lieu le vendredi 9 en présence de plusieurs auteurs (ethnologues, sociologues, historiens, plasticiens, chimistes, philosophes... etc.) qui ont contribué à sa réalisation.

C'est donc autour de cet ouvrage qui explore la beauté sous toutes les coutures de la Préhistoire à nos jours qu'a eu lieu la conférence de Denis Vialou, préhistorien et professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle. Je peux dire à son propos qu'il illustre vraiment son sujet, en ceci qu'il est arrivé à la conférence accompagnée de son épouse elle aussi historienne dégageant par son allure et son maintient une grande prestance et une remarquable élégance. Et je trouve que c'est toujours cette petite chose que l'on remarque, qui nous fait à la fois sourire et plaisir, cette petite chose qui s'ajoute. C'est un petit rien mais on se dit tout de suite que le personnage colle à son discours. Hasard ? Et alors. Oui je me complais à insister sur ce qui pour certains ne peut sembler être qu'un détail. Or, pour moi tout est là : une silhouette qui nous guide immédiatement vers un sujet que l'on est pressé d'écouter avec attention : la beauté. Et effectivement, dès le début de la conférence, nous sommes complètement transportés par les paroles de cet homme que nous buvons du regard comme lors d'un jeu de séduction.

Petit rappel historique et biologique de la phylogénèse

Tout commence il y a 7 à 8 millions d'année. En effet, la plupart des caractères de l'Homme sont possédés par d'autres êtres vivants. Les caractères humains apparus les plus récemment ne sont partagés que par quelques espèces. Parmi les primates, l'Homme est proche des grands singes anthropomorphes (c'est-à-dire à morphologie humaine) avec lesquels il constitue le groupe des hominoïdes. L'étude des caryotypes révèle que le groupe frère des Hommes est le chimpanzé. C'est avec ce groupe de l'Homme partage l'ancêtre commun le plus récent. Des rameaux de la chaîne animale se différencient, c'est la que la divergence des deux lignées s'effectue. On observe une spécialisation : la bipédie caractérise l'Homme, constituant la première acquisition de l'Homme.

Au commencement il y avait...

L'Homme apparaît véritablement il y a 3 millions d'années. Le corps s'organise et un événement essentiel va survenir : la main libère le savoir, elle devient active. L'étude du cerveau fournit aux scientifiques et historiens de nombreux renseignements sur l'évolution de l'Homme. La croissance du cerveau participe à cette (r)évolution culturelle. En effet, l'observation de la boîte crânienne d'homo habilis diffère d'homo sapiens. La chose la plus fondamentale est la verticalité de la face de Sapiens. Une autre différence majeure se situe dans la partie antérieure de la boîte crânienne. Il s’agit d’une question de volume cérébral. C'est au niveau des lobes frontaux que le système des représentations s'effectue. Et c'est il y a 100000 ans qu'apparaissent les premières figures structurées.

Le langage graphique produit un sens. Avant la notion de beauté il ne faut pas omettre la perception de la nature, indispensable à la naissance de la beauté. L'homme a construit une relation avec la nature. L'art est universel. L'Homme représente l'animal, mais avec une projection particulière. En effet, il ne produit pas un objet sans signifiant, celui-ci joue un rôle. Les corps des animaux sont les premiers à être célébré : aurochs, bison, chevaux... comme on le voit dans la grotte de Lascaux par exemple.

Représentation, imagination et construction

Il y a une véritable construction onirique dans les représentations préhistoriques. En exemple on peut citer l'exagération de la masse avant du bison. Tout ceci vient du cerveau. L’anatomie cérébrale et corporelle des Préhistoriques qui inventèrent l’image, qui se sont donné ce pouvoir extraordinaire de confier au temps des représentations, est celle dont nous avons spécifiquement hérité. Outre des représentation oniriques (et symboliques), on a retrouvé des représentations imaginaires d'homme-animal (homme-bison).

Cet être imaginaire trouvé dans la Grotte des Trois-Frères (ci-dessus) a la tête d’une chouette des neiges, un harfang, au regard pénétrant, presque inquisiteur. Elle est coiffée d’une ramure de renne. Les membres antérieurs sont humains et félins à la fois. Le corps est svelte mais on n'arrive pas à déterminer s'ils proviennent de renne, de bison ou d'homme. Les membres postérieurs sont complètement humains et particulièrement réalistes pour les pieds. Cet être composite surnaturel semble rassembler plusieurs des composantes figuratives naturalistes, d’une part celle du regard échangé et de la sexualité insistante, d’autre part celle de l’animalité et de l’humain, signifié par les membres et les pieds.

Conclusion en forme d'ouverture

Denis Vialou nous a présenté bien d'autres exemples de représentations artistiques des Préhistoriques. Mais l'on retient tout de même l'extraordinaire capacité des premiers Hommes à exprimer des qualités artistiques sur des matériaux très divers : os, parois, pierre... Cette recherche graphique et esthétique est un des prémices aux représentations de l'Homme et à la mise en valeur de sa beauté. L'exemple final présentait plusieurs des différentes Vénus et en particulier la Vénus de Willendorf (ci-contre, un dessin de la Vénus par Cyrille Courte, étudiant aux Beaux-Arts), extrêmement connue de nos jours et parangon de la beauté féminine. Une nouvelle ère dans le progrès artistique allait commencer...


Marion Salaün-Chollet


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire